
Ils enquêtent pour rendre "visibles les invisibles" : depuis près de vingt ans à Paris, le collectif "les morts de la rue" s’emploie à redonner une identité et leur dignité aux sans-abri décédés.
"Le point de départ de notre enquête c’est très souvent un appel qui nous dit +un monsieur est mort à tel endroit+", explique Chrystel Estela, membre depuis cinq ans du collectif. "Qui ? On n’a quasiment jamais de nom, ce sont toujours des informations très sommaires."
"Une fois alertés, le processus est toujours le même : on tente d’obtenir des informations supplémentaires (nom, prénom, âge, famille…) auprès des associations sur le terrain ou des partenaires institutionnels (police, hôpital, instituts médico-légaux…)".
Parallèlement, une équipe de jeunes en service civique est dépêchée sur le terrain pour placarder des affiches "appels à témoignage" et faire un premier tour du voisinage afin de recueillir des éléments qui nourriront plus tard le blog "mémoire des morts de la rue".
Sur le site, plusieurs dizaines de portraits brossés par petites touches. On y apprend entre autres que Brice, bien connu des habitants du Ve arrondissement, était "passionné d’histoire et des grands hommes", parlait "très bien anglais avec un accent écossais" ou encore que Jemaa, "femme solaire aux yeux rieurs" avait l’habitude, elle, de se protéger du soleil l’été avec un parapluie.
"Toutes les histoires sont marquantes, même celles sur lesquelles on n’a que très peu d’éléments", estime Sara, qui achève cette semaine son service civique de six mois au sein du collectif. (...)
Laisser une trace pour permettre également à des familles qui n’auraient pas été retrouvées dans l’immédiat de pouvoir s’immerger, même des années plus tard, dans les derniers mois de vie du proche décédé.
A l’image de la soeur et de la nièce de Jean-Pierre, un sans-abri âgé d’une soixantaine d’années et décédé en fin d’année dernière à Paris. Sans nouvelles de lui depuis une vingtaine d’années, elles ont retrouvé son nom sur la liste publiée sur internet par le collectif. (...)
Relativement rapide quand la personne sans-abri est connue d’associations et de maraudes, l’identification peut parfois prendre plusieurs semaines, mois, voire ne jamais aboutir. (...)
Depuis début 2021, au moins 99 nouveau décès ont d’ores et déjà été recensés.