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Brésil - Syngenta condamnée suite à la mort d’un paysan sans terre
Article mis en ligne le 4 décembre 2015
dernière modification le 30 novembre 2015

Au Brésil, les paysans sans Terre et les paysans de la Via Campesina occupent des terres pour dénoncer une politique foncière qui favorise l’installation des multinationales engagées dans des cultures de rente destinées à l’exportation, au détriment des paysans qui pratiquent une agriculture vivrière. En 2007, une milice – financée, du moins en partie, par Syngenta – tirait sur les occupants d’une exploitation agricole [1]. Bilan : deux morts, un paysan et un « pistolero ». Huit ans après ces faits, la justice a reconnu la responsabilité de Syngenta.

(...) Ibama avait inspecté les terrains de Syngenta et confirmé la présence illégale de 12 ha de soja GM. La Via Campesina demandait alors : l’interdiction immédiate de toute activité de Syngenta dans cette zone ; que les directeurs de Syngenta et l’entreprise soient jugés devant les tribunaux pour cette activité criminelle ; que les membres de la Commission Technique Nationale de Bio-Sécurité soient poursuivis pour avoir autorisé ces cultures dans une zone illégale ; et qu’Ibama mène des inspections autour du Parc d’Iguaçu.
Le 22 mars 2006, Ibama a fait condamner Syngenta à 320 000 euros d’amende. L’entreprise a décidé de faire appel. Monsanto a également été condamnée, suite à une plainte d’Ibama, à 750 000 euros pour avoir mené des expérimentations illégales à Rolandia dans le Ponta Grossa.

Syngenta avait bien entendu contesté cette amende (...)

Le 9 novembre 2006, le gouverneur du Paraná, soutenu par plus de 170 organisations, au Brésil comme à l’étranger, expropriait la ferme expérimentale de Syngenta. Mais le 1er février 2007, le Tribunal de Justice du Paraná annulait cette expropriation.

Le gouverneur Requião décidait alors de faire appel de ce jugement. Cependant, le 25 avril, la juge de Curitiba, Vanessa de Souza Camargo, confirmait l’annulation du décret d’expropriation et imposait une amende de 12 600 euros (50 000 reals brésiliens) au gouvernement s’il n’exécutait par l’ordre d’expulsion des paysans. Pendant ce temps, les militants de Via Campesina continuaient donc leur occupation.

Nouveau retournement de situation. Le 18 mai 2007, le juge Paulo Roberto Hapner, du tribunal du Paraná, suspendait le précédent jugement, au nom de l’incompétence du tribunal mobilisé. Pour lui, l’affaire devait être jugée par le tribunal de Cascavel, district où a eu lieu l’occupation. (...)

la saga judiciaire continuait… Et, en parallèle, Syngenta finançait des services de sécurité, organisés par la Société Rurale de la Région Ouest (Sociedade Rural da Região Oeste, SRO) et le Mouvement des Producteurs Ruraux (Movimento dos Produtores Rurais, MPR). La pression exercée par ces groupes sur les occupants s’accentuaient de jour en jour. Ainsi, le jour même de la réoccupation, une quarantaine de gens armés de l’entreprise « NF Seguridad » attaquaient les paysans. Bilan : deux morts, un paysan, Valmir Motta de Oliveira (dit Keno) et un "pistolero" ; et cinq blessés – dont Isabel de Nascimento de Souza - qui ont été amenés à l’hôpital de la région.

Le 18 octobre, une dénonciation de ces groupes armés a été faite pendant une audience publique, auprès de la Commission des Droits de l’Homme et des Minorités de la Chambre Fédérale des Députés, à Curitiba.
2015 : Syngenta condamnée (...)

Le 17 novembre 2015, le juge Pedro Ivo Moreira, de la Cour Civile de Première Instance de la région de Cascavel (Paraná), a condamné Syngenta [6] à verser des indemnités à la famille de Keno et à Isabel de Nascimento de Souza pour les préjudices moraux et physiques dont l’entreprise est responsable.

Dans son jugement, le juge prend soin de rétablir la réalité des faits. Il ne s’agissait pas, comme le prétend Syngenta, d’une « confrontation » entre des gardes privés et des membres de la Via Campesina, mais, écrit-il, « il n’y a pas de doute qu’en fait il s’agissait d’un massacre déguisé en reprise de la possession. Syngenta avait mis en avant que l’attaque avait été orchestrée par des milices au service des propriétaires terriens et l’entreprise avait cherché à se dédouaner en soulignant le caractère illégal de l’occupation, ce que le juge n’a pas contesté. Mais pour ce dernier, d’une part, Syngenta soutenait financièrement ces milices, ce qui la rend responsable civilement [7] ; et d’autre part, cette entreprise ne pouvait se faire justice elle-même, et imposer la peine de mort. Syngenta aurait dû chercher des moyens légaux pour résoudre ce conflit [8]. Le résoudre soi-même par des moyens illégaux constitue donc un délit.

La saga judiciaire n’est cependant pas encore terminée. L’avocat de Syngenta, Renne Ariel Dotti, envisage de porter ce litige devant le tribunal de l’état du Paraná.
(...)