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Bras de fer à l’université Paris 7 pour des doctorants pénalisés par leur passé
Article mis en ligne le 3 décembre 2018

Ana, doctorante et chargée de cours à l’université Paris-Diderot, a appris le 25 septembre que son contrat était rompu à cause de son casier judiciaire évoquant un jet de café froid sur un militant d’extrême droite en 2014. Enseignants et étudiants se mobilisent.

Fin septembre, Ana reçoit un mail de la part de la direction des ressources humaines de son université. Elle est convoquée, aucun motif n’est annoncé. Lors de l’entretien, on lui annonce que son contrat doctoral, commencé le 1er septembre, va être rompu – elle est encore en période d’essai. Motif ? Une inscription à son casier judiciaire, en l’occurrence un jet de café froid sur un militant d’extrême droite, quatre ans avant, dans une autre université.

N’étant pas parvenue à se défendre seule, une mobilisation de soutien se forme : des enseignants et directeurs cherchent à rencontrer la direction des ressources humaines, afin de faire annuler cette décision. « La directrice des ressources humaines et la présidente de l’université n’ont jamais voulu les recevoir, raconte Ana. On leur donnait toujours des rendez-vous flous et informels… »

Malgré ce soutien, celui du Snesup-FSU et de Solidaires Étudiant·e·s, la direction des ressources humaines refuse totalement de négocier. Elle assure cependant à Ana que son contrat sera maintenu si elle fait effacer son casier judiciaire dans les douze jours qui suivent… Sachant qu’une telle procédure peut prendre jusqu’à un an, cette « concession » de l’université équivaut à une fin de non-recevoir. (...)

Selon la direction de l’université, le passif d’Ana est incompatible avec ses fonctions car il s’est déroulé dans l’enceinte d’une université. À cette époque, Ana était usagère et non pas salariée de l’institution universitaire. « C’est une double peine », s’attriste Ana. Bien qu’elle ait réglé son amende il y a quatre ans, Ana paie encore ce jet de café froid sur un militant xénophobe qui agressait une syndicaliste lors d’une élection étudiante. (...)

« Solidarité avec Ana #Balancetoncafé »
Une première assemblée générale du mouvement de soutien à Ana s’est tenue le 18 octobre, quatre autres ont suivi depuis. Les AG proposent de bloquer l’université, d’occuper des salles de cours ; des enseignants suggèrent de changer leurs cours pour parler de l’engagement étudiant ou bien d’enseigner dans les couloirs de la direction des ressources humaines.

Chaque mercredi, un rassemblement réunit une petite centaine de personnes. Les pancartes des étudiants, enseignants et personnels dénoncent le fait qu’au travers du licenciement d’Ana c’est l’engagement militant qui est réprimé. Pendant ces rassemblements, l’université fait fermer toutes ses grilles ; l’ambiance devient pesante.

Le 31 octobre, une brigade de CRS est envoyée pour contrôler l’identité des manifestants et s’assurer que le rassemblement reste statique. Enfin, une pétition est lancée et recueille plus de 500 signatures d’universitaires de toute la France.

Le rassemblement du mercredi 14 novembre prend un nouveau relief, car un cas similaire à celui d’Ana est venu s’ajouter(...)

Aujourd’hui, l’université ne défend plus ses étudiants face à la répression politique et au contraire, le caractère politisé de ses étudiants est un motif de sanction. « Le cas d’Ana n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un contexte de répression dans les universités. On peut parler des trois étudiants de Nanterre qui ont pris du ferme et du sursis », témoigne un doctorant, en grève en soutien à Ana.

« Une logique de criminalisation du militantisme depuis dix ans » (...)

il fut un temps où au nom de la « franchise universitaire », les présidents d’établissement ne faisaient jamais intervenir la police dans leurs locaux. La représentante Snesup-FSU y voit aussi un effet de la politique hostile à l’accueil des migrants : des enseignants et étudiants ont ouvert les portes de leurs universités pour accueillir des migrants pour leur offrir un toit – ou ne serait-ce qu’un carré d’herbe pour planter une tente –, et des chefs d’établissement profiteraient des occupations étudiantes pour faire intervenir la police et embarquer les migrants.

Ana, qui a travaillé comme surveillante dans un lycée pour gagner sa vie, porte un regard alarmé sur l’université française.(...)

Avec cette histoire absurde de casier judiciaire, c’est une sorte d’élitisme supplémentaire qu’elle pointe : « Ce sont les personnes venant des classes sociales les moins aisées qui ont le plus souvent une mention sur leur casier judiciaire, car ils n’ont pas le droit à l’erreur et pas les moyens de se défendre… »

Soutenue par une belle mobilisation autour de son cas, elle constate aussi une hostilité frontale de la direction de son université, et du coup elle voit plus loin : « Ce qu’on fait là, c’est pour nous, mais aussi pour mes camarades et pour tous les personnels des universités concernés, en allant jusqu’à créer une jurisprudence s’il le faut. »