
Les émissions de gaz à effet de serre augmentent à un rythme sans précédent, affirme le rapport du GIEC publié le 13 avril. L’urgence est telle que l’Onu pointe la responsabilité de l’industrie pétrolière et gazière. L’ancien prix Nobel de la Paix, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, appelle même à boycotter les industries fossiles, en s’inspirant du boycott contre l’Apartheid.
Des fonds d’investissement commencent à se retirer des compagnies pétrolières, sur fond de mobilisations aux États-Unis contre la construction de pipelines ou en Europe contre l’exploitation des hydrocarbures de schiste.
La France suivra t-elle le mouvement ? (...)
les effets du réchauffement climatique et des catastrophes qu’il provoque (cyclones, pluies diluviennes, sécheresses...) vont s’aggraver fortement au 21ème siècle, et ce dans toutes les régions du monde. Elles ont pour noms : insécurité alimentaire, pressions sur l’accès à l’eau, conflits, populations déplacées ou problèmes sanitaires. (...)
90 entreprises sont, à elles seules, responsables des deux-tiers des émissions de gaz à effets de serre relâchées dans l’atmosphère depuis 1854 – parmi ces entreprises, on compte bien sûr la quasi totalité du secteur de l’extraction des énergies fossiles (les « Big Oil »).
Face à un tel constat, Bill McKibben, le fondateur de l’ONG 350.org, et Naomi Klein, entre autres, considèrent comme indispensable de pointer les responsabilités, et de nommer les acteurs qui font partie du problème, plutôt que d’entretenir le mythe d’une communauté d’intérêt et de destin qui abolirait les catégories de responsables et de victimes. Pour le dire autrement, si nous sommes entrés dans l’anthropocène (voir notre enquête), nous ne sommes pas tous coupables. Le secteur de l’énergie fossile, cette « industrie voyou » (rogue industry), selon Bill McKibben, est perçue comme « l’ennemi numéro un de la survie de notre civilisation » et doit être mise à l’index. (...)
« nommer l’adversaire » est crucial pour comprendre ce qui fait obstacle à une transition énergétique réelle et ambitieuse. Une fois l’adversaire identifié, il devient en effet possible d’élaborer des stratégies et de mettre en place les politiques alternatives adéquates. C’est ainsi que sont justifiées des pratiques de désobéissance civile de masse récemment organisées aux États-Unis, devant la Maison-Blanche et sur les sites de construction des pipelines et infrastructures, pour bloquer l’exportation du pétrole issus des sables bitumineux du Canada. Ce que Naomi Klein a dénommé « une stratégie pour étrangler les sables bitumineux de l’extérieur ».
Une stratégie et des pratiques qui ont également pris pied en Europe. A travers des occupations de terrain sur lesquels lorgnent les industriels gaziers ou en bloquant l’arrivée des camions nécessaires aux travaux d’installation et de forage, les mobilisations contre l’exploitation des hydrocarbures de schiste en Pologne, en Roumanie, au Royaume-Uni se situent clairement dans la même dynamique. Autre exemple, le mouvement « No Dash For Gas » (Pas de ruée sur le gaz) a occupé une semaine durant, fin 2012, deux cheminées de la central au gaz d’EDF à West Burton. L’objectif ? Stopper la production d’électricité pour dénoncer la construction de 40 nouvelles centrales au gaz, sous peine d’un « changement climatique irréversible ». (...)
Mais l’industrie pétrolière et gazière n’entend pas changer d’approche. Le jour de la publication du rapport du GIEC portant sur les impacts des dérèglements climatiques, Exxon Mobil, la compagnie pétrolière dont le chiffre d’affaire est supérieur au PIB de 179 pays et qui a nié pendant très longtemps l’origine humaine des dérèglements climatiques, expliquait que le changement climatique ne l’empêcherait pas de produire et vendre des énergies fossiles. Toute proportion gardée, l’Union Française des Industries Pétrolières (UFIP) adopte une approche similaire : le nouveau gouvernement n’était pas encore nommé qu’elle l’appelait à « rouvrir le dossier » des gaz de schiste, se gardant bien de préciser comment cela pourrait être compatible avec le constat dressé par le GIEC.
De ce point de vue, les premières déclarations de la nouvelle ministre de la transition énergétique et de l’écologie ne peuvent qu’inquiéter : à peine était-elle nommée que Ségolène Royal jugeait nécessaire de rappeler son opposition à une « écologie punitive ». Face à l’ampleur des dérèglements climatiques, peut-on nier que tout un secteur industriel exerce une activité nuisible à la survie de l’espèce humaine, et, au-delà, à l’ensemble de la planète ? (...)