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Boris Cyrulnik « L’hypersensibilité n’est ni un trouble ni une déficience, mais une "signature" »
#Boris_Cyrulnik #hypersensibilité
Article mis en ligne le 13 octobre 2022
dernière modification le 12 octobre 2022

Dans notre hors-série qui vient de paraître en kiosques, « Tous hypersensibles ? », le neuropsychiatre, spécialiste de la résilience, décrypte un phénomène qui cache, pour beaucoup, une vraie souffrance.

Vos "douillets affectifs", dans De chair et d’âme (Odile Jacob), publié il y a seize ans, n’ont-ils pas ouvert la voie aux hypersensibles dont on parle beaucoup aujourd’hui ?

Boris Cyrulnik : C’est en travaillant sur les théories de l’attachement mère-enfant que, dans un même contexte social et affectif, on s’est aperçu que des personnes réagissaient différemment d’un point de vue émotionnel : certaines se montraient « nécessairement » sensibles, d’autres étonnamment peu sensibles, et d’autres hypersensibles ! En 2006, ces notions restaient encore très vagues, et j’ai choisi le terme de « douillet affectif » justement parce qu’il était flou et non excluant. Aujourd’hui, on estime que 70 % de la population, dans un contexte social et affectif normal, développera une sensibilité normale, alors que 30 % des enfants et adultes auront des diffcultés à contrôler leur affectivité. Cela me paraît juste.

Pensez-vous que l’on peut naître hypersensible ?

Boris Cyrulnik : Si, au cours de sa grossesse, une mère a été confrontée à des épreuves, elle va sécréter beaucoup d’hormones de stress qui vont franchir la barrière placentaire et être avalées par son bébé. Elle n’en est en aucun cas responsable (…), cette transmission s’opérant naturellement, bien malgré elle. Mais on sait que tout ce qui angoisse et ébranle la future mère va avoir des répercussions sur le fœtus : une mauvaise entente dans le couple, une situation économique précaire, un burn-out, des rapports familiaux compliqués, sans parler d’un contexte extrême de guerre ou d’exode. Il s’agit d’acquis in utero, pas d’inné, qui joue un rôle mineur. En ce sens seulement, on peut naître hypersensible ou le devenir très tôt, en fonction des interactions de l’environnement, et de ce qu’il s’est passé avant ou après notre naissance.

Mais tous les traumatismes in utero ne "fabriquent" pas immanquablement des adultes hypersensibles...

Boris Cyrulnik : En effet, car le cerveau n’est pas un organe « fini » quand l’enfant vient au monde. La machine cérébrale est d’une grande plasticité. Après notre naissance, notre sensibilité se gorge des interactions avec notre mère, puis avec tout ce qui nous entoure, notre famille, notre culture, mais aussi la nature environnante. Durant les premières années de sa vie, si l’enfant n’a pas eu la chance de grandir dans un environnement assez rassurant, il y a toutefois de forts risques pour qu’il devienne un hypersensible malheureux ! Si ces échanges sont riches, apaisants, sécurisants, ils vont réassurer l’enfant et l’autoriser à déployer sa grande sensibilité, qui deviendra pour lui un outil extraor­dinaire. Il pourra appréhender le monde de façon beaucoup plus fine et subtile, avec beaucoup plus de couleurs. (...)