
Illégal mais toléré, le squat de la Ruche a accueilli depuis 10 mois dans le centre de Bordeaux une cinquantaine d’ados qui ont quitté leur pays. La région Nouvelle-Aquitaine aimerait reprendre pleine possession de son bâtiment. Les bénévoles du squat attendent une réaction des autorités.
(...) Ce squat a été ouvert en août dernier par cinq étudiants qui voulaient donner une utilité sociale à ce bâtiment attenant au lycée Montaigne, inoccupé depuis au moins 2010.
Dès le début, l’affaire fait du bruit car les cinq ouvreurs du squat plaident la réquisition pour héberger des « mineurs isolés » ou « mineurs non-accompagnés », autrement dit des ados exilés de leur pays mais à la rue en France. (...)
Des travaux financés par la région ont permis de sécuriser les sols par des étais. Les fuites incessantes d’eau qui ruisselaient dans la petite cour intérieure sombre ont été stoppées par l’association Dynam’eau. L’électricité puis le gaz sont arrivés. Fatiguée et multipliant les burn-outs, l’équipe s’est renouvelée. Surtout les conditions de vie de ces jeunes hommes ont été améliorées. Loin (très loin) d’être idyllique, la Ruche est devenue un refuge.
« Ils ont un toit sur la tête. On s’arrange pour qu’ils aient de quoi manger. On essaie de les autonomiser. Ils ont un endroit propre qui ferme à clé. Ils se sentent chez eux », énumère sommairement Gurval, l’un des ouvreurs du squat, à l’antenne de la radio La Clé des Ondes, ce lundi.
En dix mois, une cinquantaine de jeunes ont pu s’y installer quelques jours, quelques semaines. Ceux présents en ce moment viennent notamment du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée. (...)
La plupart d’entre eux ont été déclarés majeurs par les services d’évaluation du département (Saemna). Ils revendiquent être mineurs (entre 15 et 17 ans), ont donc fait un recours et attendent désormais leur passage devant le juge des enfants. (...)
Entre la décision du Saemna et le passage devant le juge, plusieurs mois peuvent en effet s’écouler pour ces jeunes hommes. Or pendant ce temps, leur statut d’adulte majeur les empêche d’entrer dans les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
La vice-présidente du département de Gironde en charge de cette thématique, Emmanuelle Ajon voit deux enjeux essentiels :
Il nous faut garantir que seuls des mineurs sont dans des structures de mineurs. Et il y a un principe d’équité à appliquer pour tous (exilés et français, ndlr) : un jeune majeur ne peut jamais être dans l’ASE. » (...)
Emmanuelle Ajon espère que l’appel lancé par La Ruche va permettre de rapprocher département et région et avance plusieurs propositions :
« Il faut imaginer un accompagnement sur la formation professionnelle, cela se fait déjà un peu, mais pourquoi pas créer des classes spécialisées pour ces jeunes sur la région. Au niveau des places d’hébergements, la région finance d’ors et déjà des foyers de jeunes travailleurs, des chambres universitaires. Pourquoi pas aussi des places pour ces jeunes ? »
L’élue socialiste girondine souhaite aussi que la mission d’évaluation quitte le domaine du social géré par le département pour devenir une mission régalienne… et donc revienne à l’Etat comme le promettait le premier ministre Edouard Philippe en octobre dernier dans un de ses discours. Sans effet pour l’instant.
Aude Saldana-Cazenave, de Médecins du Monde, avance regrets et propositions (...)
« Nous avons eu presque un an pour faire avancer le droit commun avec la Ruche, mais n’y avons pas beaucoup réussi. A Nantes, un programme de mis à l’abri au 115 est en place pour ces migrants qui sont dans ces périodes de recours. Il nous faut une mise à l’abri pérenne pour ces jeunes. Elle doit être adossée à un accompagnement social et psychologique par une association. »
Si les réunions avec les autorités locales ne portent par leur fruit, les bénévoles de La Ruche sont prêts à continuer l’occupation. (...)