
Dans un enregistrement révélé par « Le Monde », un pompier et un opérateur du Samu confirment que les secours ont été bloqués, alors qu’un manifestant était en danger de mort sur le site, samedi dernier. Mediapart diffuse des extraits sonores qui contredisent la version des autorités.
lIl y avait une multiplicité de témoignages. Voici désormais qu’un enregistrement confirme que les secours ont été bloqués au moment d’intervenir lors de la mobilisation contre la megabassine de Sainte-Soline, samedi 25 mars, alors que plusieurs manifestants étaient grièvement blessés, dont un en danger de mort.
Le document sonore — révélé par Le Monde et dont Mediapart diffuse ci-dessous des extraits — est tiré d’une conversation entre une équipe de la Ligue des droits de l’Homme (dont un médecin) qui assurait le suivi des opérations à distance et en lien avec des observateurs sur site, et les pompiers des Deux-Sèvres, puis un opérateur du Samu. Dans les échanges, les services des pompiers comme du Samu affirment à la LDH qu’ils ne peuvent pas intervenir sur place, malgré les alertes sur l’état de santé d’un manifestant (toujours entre la vie et la mort à ce jour).
« On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation, c’est qu’on n’enverra pas d’hélico ou de SMUR sur place, parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre », affirme notamment l’opérateur du Samu. (...)
Le médecin généraliste de l’équipe de la LDH relance alors en expliquant être en contact avec des « observateurs sur place [qui] disent que c’est calme depuis trente minutes et qu’il est possible d’intervenir ». Ce à quoi l’opérateur du SAMU répond : « Je suis d’accord avec vous, vous n’êtes pas le premier à nous le dire. Le problème, c’est que c’est à l’appréciation des forces de l’ordre dès qu’on est sous un commandement, qui n’est pas nous. »
Ces échanges confondants, auxquels ont assisté trois avocats (Mes Sarah Hunet-Ciclaire, Chloé Saynac et Pierre-Antoine Cazau), contredisent la version des autorités, mais aussi du Samu, qui ont expliqué depuis samedi qu’aucune entrave aux secours n’avait eu lieu le jour de la manifestation. (...)
Deux manifestants dans le coma, une jeune femme au visage brisé, un jeune homme souffrant d’une fracture ouverte du pied, d’innombrables plaies et traumatismes : le bilan dramatique des blessé·es de la manifestation contre la megabassine de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, samedi 25 mars, pose une question grave : les autorités ont-elles empêché les secours d’intervenir et de soigner celles et ceux qui en avaient besoin ?
Mediapart a recueilli un grand nombre de témoignages attestant de blocages de la part des gendarmes, ayant eu pour conséquence une intervention tardive du Service d’aide médicale d’urgence (Samu) et des pompiers « alors qu’on avait un blessé par minute », décrit Antoine, street medic pendant la manifestation et secouriste de métier dans une association. (...)
De leur côté, des membres du Samu soulignent la « confusion » de la situation, leurs difficultés à accéder aux blessés et le besoin de faire le point sur ce qui s’est passé. (...)
Lionel Brun-Valicon, secrétaire général adjoint de la LDH et à ce titre observateur dans la manifestation, assiste aux appels au Samu. Les téléphones sont placés en haut-parleur : il entend le service d’urgence refuser de venir et assure avoir « très clairement vu un barrage de gendarmes » au bout de la route où a été installé le blessé, à l’écart. De l’autre côté stationnent des pompiers, qui attendent pour intervenir. « On leur a demandé : est-ce que les gendarmes vous empêchent de passer ? Ils nous l’ont confirmé. » (...)
« À un moment j’ai entendu une énième personne appeler le Samu en haut-parleur, précise Caro, le gars du Samu a dit “nos ambulances sont bloquées par la police”. »
Caro rapporte avoir « couru vers les gendarmes qui protégeaient la bassine, alors que ça s’était calmé depuis une bonne demi-heure » : « J’ai dit aux gendarmes qu’un jeune homme était en train de mourir à cent mètres d’eux et qu’ils bloquaient l’ambulance. » Lionel Brun-Valicon, de la LDH, a assisté à la scène et confirme le récit de Caro, qui poursuit : « Ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas et ont prévenu leur chef. Le chef m’a dit “on va certainement provoquer une sortie”. Au même moment, un homme en salopette bleue, qui était au téléphone, a crié vers les gendarmes “c’est bon, on a l’autorisation de la préfète”. » (...)
Selon les organisateurs de la manifestation, il s’est écoulé trois heures avant que S. puisse être héliporté jusqu’à l’hôpital. Au total, 4 000 grenades ont été tirées ce jour-là par les forces de l’ordre, selon le ministre de l’intérieur.
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– (Le Monde)
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Alors qu’une polémique s’est installée sur la possibilité de secourir les blessés lors de la manifestation contre la mégabassine, samedi 25 mars, une équipe de la Ligue des droits de l’homme a eu, en direct, confirmation que les forces de l’ordre interdisaient au SAMU d’intervenir. « Le Monde » a eu connaissance de cette conversation téléphonique. (...)
La LDH avait envoyé samedi six équipes de trois observateurs sur le terrain, en liaison avec quatre autres personnes, restées en appui dans une salle, dans la commune de Melle (Deux-Sèvres). Parmi eux, trois avocats, Sarah Hunet-Ciclaire, Chloé Saynac et Pierre-Antoine Cazau, ainsi qu’un médecin, Jérémie F., généraliste en centre de santé, qui ne souhaite pas donner son nom.
C’est dans cette salle qu’a été enregistrée, par la LDH, la conversation de 7 minutes 30 avec le SAMU, que Le Monde a pu consulter. (...)