
Depuis la parution de son livre « Zéro Déchet », il y a 4 ans, Béa Johnson est devenue l’ambassadrice mondiale du mode de vie sans poubelle. Elle en explique les avantages : une fois le pas franchi, la vie change.
Native d’Avignon, Béa Johnson est partie en Californie pour vivre le rêve américain. Après avoir profité du consumérisme à l’états-unienne — une grande maison, une grosse cylindrée — sa famille et elle se sont tournées vers un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Béa Johnson a d’abord raconté ses expériences sur son blog, Zero Waste Home, avant de consigner dans un livre son « mode d’emploi » pour passer au mode de vie « zéro déchet ». Publié en 2013, le livre est devenu un best-seller traduit dans plus de 40 langues. (...)
Qu’est-ce qui a changé depuis la sortie de votre livre ?
Le mouvement a explosé, surtout dans les pays francophones. En France, en Suisse romande ou en Wallonie (Belgique), sans oublier le Québec. Je pense que c’est surtout dû au fait que, dans les pays francophones, il y a cette appétence pour les plaisirs simples, pour la nourriture. On aime avoir un contact avec ce que l’on mange, ce qui va de pair avec la volonté d’éliminer les emballages en achetant en vrac. Des magasins de vrac s’ouvrent d’ailleurs partout dans le monde. En Suisse, un couple de Français a décidé, après avoir lu mon livre, d’ouvrir un magasin de vrac. C’était il y a un an, maintenant, ils en ont neuf !
Et aux États-Unis, là où vous vivez ?
Là-bas, le mouvement est très lent. Je pense que les gens ont peur. Même si le mode de vie les interpelle, ils ne vont pas nécessairement s’impliquer parce que le consumérisme est très ancré dans la culture états-unienne. Les gens ont peur du qu’en-dira-t-on s’ils n’ont pas le dernier gadget. Et ils ont peur d’acheter d’occasion… en résumé, ils ont peur de la vie simple sur laquelle se repose le mode de vie « zéro déchet ».
Vous donnez aussi des conférences dans des pays du Sud ?
Oui, cela m’est arrivé, comme au Brésil. Ces pays, en se développant, cherchent à copier l’image des États-Unis. Mon message était : « Nous nous sommes plantés et nous essayons de défaire ce que nous avons fait, ne faites pas la même erreur. » Les déchets sont un problème de riches, car ils sont reliés à la consommation. Cette problématique est différente dans les pays moins développés : là, la question ne sera pas de gérer la quantité de déchets mais de pouvoir ramasser les déchets. (...)
J’estime qu’acheter, c’est voter. Si l’on achète sa nourriture en emballage, c’est une façon de voter pour l’emballage. Tout un tas de gens se disent : « Ce n’est pas à moi de changer les choses, c’est aux politiques ou aux fabricants. » Sauf que le fabricant ne fabrique que ce que le consommateur achète. Et justement, plus on achète en vrac, plus il se développera. (...)
On savait qu’on pouvait faire les choses mieux, mais on n’avait pas les solutions. Il a fallu qu’on teste tout un tas de choses, qu’on teste des extrêmes, mais au fur et à mesure, on est devenu plus fort. On a su se battre dans ce monde alternatif et maintenant on est à un niveau où on a les solutions, on est roi de notre domaine. Une fois que vous avez touché à ces économies d’argent et de temps, comment retourner en arrière ? (...)
Beaucoup de blogs se lancent dans un « tout fait maison », comme j’ai pu le faire au début de ma transition. Mais le « zéro déchet », ne signifie pas tout faire soi-même ! C’est un peu ce que je regrette dans le livre de la Famille « zéro déchet » : on nous propose tout un tas de recettes complètement inutiles, pour laver les vitres, les toilettes, etc. Sauf que chez moi, pour nettoyer la maison de fond en comble on utilise du vinaigre blanc, point barre ! Tous ces blogs font peur à ceux qui travaillent à temps plein et qui se disent qu’ils ne pourront pas passer au « zéro déchet » car ils n’auront pas le temps d’appliquer toutes ces recettes. D’autant plus qu’en France, des magasins de vrac proposent maintenant de la lessive ou du liquide vaisselle en vrac.
Passer au « zéro déchet » veut-il automatiquement dire « mieux manger » ?
C’est obligatoire. Lorsque vous achetez en vrac, vous allez éliminer les produits surtransformés, qui sont aussi les produits emballés. D’emblée, votre nourriture devient plus saine et est basée sur des produits plus entiers, plus simples… et on retrouve le vrai goût des aliments. D’ailleurs, je me suis aperçue que je parvenais maintenant à distinguer le goût de l’emballage — par exemple, sur un plateau de fromages, s’il m’arrive de prendre le morceau qui était collé au papier d’emballage. (...)
Au départ, vous n’allez pas remarquer les économies de temps parce qu’au début, se désencombrer prend du temps… même savoir dire non prend du temps. On a l’habitude de toujours dire oui à ce qui nous est tendu. Passer chaque tiroir en revue, chaque pièce, pour mettre en place des produits réutilisables, mettre en place des alternatives… Ce n’est qu’une fois que tout cela devient automatique que l’on peut gagner du temps. (...)