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Bâtir des lieux, la nouvelle stratégie des luttes
#alternatives
Article mis en ligne le 9 juin 2023

Base, café associatif, centre autogéré. Ces dernières années, les militants multiplient les lieux d’accueil et d’organisation des luttes écologistes. Une action « indispensable pour gagner la bataille culturelle », selon eux.

Il faut des lieux pour habiter les luttes. Des murs entre lesquels cultiver des rêves et bâtir dans la joie, l’autonomie. Des espaces où se retrouver, construire et fomenter de futures batailles. Ce constat, de plus en plus partagé, est celui de nombreuses organisations et collectifs engagés dans le combat écologique et la justice sociale. L’acquisition foncière, la location de locaux ou l’ouverture de squats est devenue une stratégie politique à part entière. Une manière d’ancrer les luttes dans la durée et de les faire vivre au quotidien, au-delà des actions éphémères et du numérique, trop souvent désincarné.

Au sein du mouvement climat, on s’active désormais à l’écart des projecteurs, préparant patiemment la suite. Le temps des grandes marches a cédé la place à une vaste campagne d’implantation de lieux, moins visible mais tout aussi décisive pour « accélérer la métamorphose écologique et sociale de nos territoires », comme l’écrit sur son site, l’association Alternatiba. (...)

« S’enraciner sur le territoire » (...)

Le phénomène est en pleine expansion même s’il prend du temps. « Il faut entre un ou deux ans pour ouvrir un lieu » (...)

Il faut compter plusieurs centaines de milliers d’euros pour acheter un lieu, et des dizaines de milliers d’euros chaque année pour le louer. (...)

De premières expériences servent d’exemples. À Paris, la Base a été un puissant catalyseur pour les mobilisations climat de 2019 à 2022. (...)

Historiquement, c’est au Pays basque que cette stratégie a été éprouvée par les écologistes. (...)

« Reprendre le pouvoir sur nos vies »

Le besoin de créer des lieux dépasse aujourd’hui largement le mouvement strictement écologiste. Tout le camp émancipateur (la gauche, les autonomes, les syndicats) y voit une évidence pour prolonger son combat. Alors que la lutte contre la réforme des retraites s’essouffle dans la rue, des militants s’échinent à ouvrir des Maisons du peuple qui pourraient servir de « point d’appui pour diverses formes d’action ». (...)

Même la gauche institutionnelle s’y met. Alors qu’elle avait précédemment parié avant tout sur le numérique, La France insoumise vient de lancer sa première campagne d’achat de locaux. (...)

De manière plus souterraine, le courant municipaliste, libertaire et autogestionnaire tisse sa toile avec une constellation de lieux sur le territoire. (...)

Il s’agit de favoriser partout les communs. « L’objectif n’est pas de recourir à la propriété privée mais au contraire de la neutraliser pour créer des lieux que personne ne possède mais qui sont utiles à beaucoup dans nos luttes et aspirations politiques », affirme l’un de ses membres. (...)

Pour le sociologue Laurent Jeanpierre, après des décennies d’échec de la « politique confrontative » et des luttes frontales, ces lieux sont justement des espaces où l’on peut mener « une politique préfigurative ». C’est-à-dire « le fait de faire exister ici et maintenant le monde et les formes de vie auquel on aspire ».
Un manque criant

Ce besoin a été particulièrement visible lors de la révolte des Gilets jaunes. « La construction de cabanes et l’occupation des ronds-points ont été l’expression d’un manque criant de lieux et d’un besoin réel de se retrouver », souligne le chercheur. (...)

« Dans les années 2010, on a d’abord cherché des points d’ancrage dans l’espace public avec le mouvement des places, Nuit debout ou encore les Gilets jaunes. Mais cela ne tient pas sur le long terme, précise Laurent Jeanpierre. Alors que de nouvelles luttes sur l’écologie ou contre l’aménagement prennent de l’essor, « il paraît désormais indispensable de créer des espaces plus autonomes, moins fragiles et neutralisables ». Des nouveaux chez-soi militants pour attiser la révolte. (...)