
Le 13 décembre, Benoît Ducos et ses compagnons sauront s’ils écopent de prison avec sursis pour avoir secouru des migrants qui traversaient la frontière italo-française. Le très sensible documentaire “Au Pied du mur” fait le portrait de ses “secouristes” bénévoles.
Dans les Hautes-Alpes, de plus en plus de migrants tentent de franchir la frontière italo-française par les cols de l’Echelle et de Montgenèvre. Avec beaucoup de sensibilité, le documentaire Au pied du mur diffusé mercredi 28 novembre sur France Ô, se penche sur les bénévoles qui, de part et d’autre de la frontière, ont choisi de les secourir. Parmi eux, un montagnard briançonnais, Benoît Ducos, un citoyen ordinaire et discret, qui n’aime guère se mettre en avant, dont nous parle les deux réalisateurs, Peggy Bruguière et James Keogh.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à cette partie de la frontière franco-italienne ?
Les durcissements des contrôles policiers à la frontière franco-italienne de Vintimille l’ont rendue quasiment infranchissable. Les migrants tentent de passer plus au Nord, du côté briançonnais, et se voient contraints d’emprunter des itinéraires beaucoup plus dangereux. En moins de deux ans, plus de 4000 personnes sont ainsi passées par le Refuge Solidaire à Briançon, qui est devenu un lieu de transit. (...)
Pourquoi avez-vous choisi de bâtir votre film autour de Benoît Ducos ?
Nous avons rencontré Benoît parce qu’il était convoqué à la PAF [Police aux frontières, ndlr] de Montgenèvre après avoir secouru, dans la montagne, une famille Nigériane. Il nous a touchés par sa chaleur et son accueil. Benoît Ducos est une personne sensible, révoltée, et en même temps, d’une grande humilité. Nous avons tout de suite su qu’à travers lui, nous pouvions raconter la mobilisation de tout un réseau dans cette région. En même temps, nous devions respecter sa volonté de ne pas être mis en avant, d’être filmé avec d’autres militants. C’est quelqu’un de très discret, qui refuse de devenir une figure emblématique. (...)
Quand on a rencontré Benoît, il faisait quelques maraudes. Il partait dans la montagne, dans la nuit, à la recherche de migrants qui se seraient égarés. Puis il s’est mis à ne plus faire que cela. Nous l’avons vu se transformer, n’avoir plus que ça en tête. Son discours a changé, a pris une forme de radicalité après la mort de Blessing, cette jeune femme morte noyée dans la Durance en pleine nuit, après une course-poursuite avec la police, alors qu’elle tentait de passer la frontière. C’est quelque chose qui l’a profondément chamboulé. On sent à partir de là sa profonde désillusion envers les instances étatiques. (...)
Nous pensons qu’à travers Benoît, le téléspectateur peut s’identifier : c’est un citoyen ordinaire, il pourrait être nous, il pourrait être vous. Ce n’est pas un superhéros. Comme de nombreux bénévoles qui se trouvent happés par leur engagement, il se sent totalement dépassé. C’est quelque chose qui absorbe son corps et son esprit, et cela devient très compliqué à gérer au quotidien. Mais il n’a pas pu faire autrement parce que tout ce qui se passe, se passe sous ses yeux, et qu’il a choisi de ne pas détourner son regard.
destins croisés est proposé en streaming gratuit pendant quelques jours après sa diffusion sur France Ô. (106’)