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Reporterre
Au lieu d’un moratoire, l’État lance une mission… pour multiplier les entrepôts Amazon
Article mis en ligne le 29 novembre 2020

La Convention citoyenne pour le climat exigeait un moratoire sur la construction de nouveaux entrepôts de e-commerce. Mais le gouvernement cherche, au contraire, à faciliter et accélérer leur implantation. Cet automne, il a lancé une mission pour développer des sites logistiques « clé en main » et accroître l’attractivité de la France à l’international.

La promesse d’un moratoire sur la construction de nouveaux entrepôts de commerce en ligne a fait long feu. Elle s’est consumée sous l’autel de la compétitivité et risque de se retrouver, comme les autres, enfouie au cimetière des renoncements de La République en marche (LREM). Cet été, Barbara Pompili l’avait pourtant dit, d’un ton fracassant, à une heure de grande écoute sur RTL : « C’est le moment de mettre un coup d’arrêt. » La nouvelle ministre de la Transition écologique se déclarait favorable à un gel des chantiers pendant six mois, le temps d’évaluer les conséquences écologiques, sociales et économiques des entrepôts de e-commerce.

L’information avait alors fait le tour des médias avant d’être démentie par l’Élysée. Depuis, la proposition de la Convention citoyenne semble avoir été définitivement enterrée et Amazon continue son expansion. Rien qu’entre septembre et octobre 2020, la multinationale a construit cinq agences de livraison comme le recense la carte de Reporterre. Quatre mégaentrepôts sont en projet ainsi que deux centres de tri.

Au lieu d’un moratoire, le gouvernement a lancé cet automne une mission pour « garantir un développement durable du commerce en ligne et des entrepôts logistiques ». Confiée à des hauts fonctionnaires de France Stratégie, du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale des finances, la mission doit rendre ses conclusions d’ici la fin de l’année. La lettre de mission — consultable ici — donne déjà une idée des recommandations à venir. Loin, très loin des propositions de la Convention citoyenne.
« Une attention particulière pourra être apportée aux simplifications de nature à faire émerger des sites logistiques clé en main »

Les mots « compétitivité » et « attractivité » parsèment la lettre signée par six ministres dont Barbara Pompili et Bruno Le Maire. (...)

« Simplification », « sites logistiques clé en main », « message d’attractivité »… Pour les associations écologistes, ces formules n’annoncent rien de bon. Ce n’est pas la première fois qu’on les entend. (...)

« Le gouvernement veut créer une nouvelle dérogation au droit de l’environnement »

Pour les associations environnementales, ce n’est rien de moins qu’un nouveau détricotage du droit de l’environnement. Localement, des collectifs se sont mobilisés pour stopper certains sites industriels clé en main comme celui du Carnet dans l’estuaire de la Loire. Le projet risque de détruire cinquante-et-un hectares de zone humide. Sous la pression, il a finalement été arrêté pour compléter ses études environnementales. En septembre, l’ONG Notre affaire à tous a également déposé un recours au Conseil d’État contre cette procédure « clé en main ».

Les intentions du gouvernement sont claires. Le ministère de la Transition écologique s’est montré assez embarrassé en disant à Reporterre qu’« il était encore trop tôt pour communiquer ». Le ministère de l’Économie, lui, a été plus loquace. Il a bien confirmé qu’il faut « diminuer le temps d’instruction des dossiers d’autorisation administrative pour les entrepôts de e-commerce », et que cet objectif s’inscrit dans la lignée et « l’ambition de la loi d’Accélération et de simplification de l’action publique ». La fameuse et très controversée loi Asap. Adoptée fin octobre, cette loi permet déjà de réduire certains délais et certaines consultations du public, au grand dam des écologistes. Aujourd’hui, la lettre de mission sur le commerce électronique continue dans la même veine : accélération, libéralisation, déréglementation. (...)

Pour les associations écologistes, tous les signaux sont donc au rouge.

Contactés par Reporterre, les hauts fonctionnaires n’ont pas souhaité nous répondre. Alors que la révolte grandit contre Amazon, les militants voient cette mission comme un contre-feu, une manière de neutraliser la critique. Le gouvernement demande justement aux hauts fonctionnaires d’explorer « les conditions d’acceptabilité sociale des projets ». Cela n’a rien d’anodin dans le contexte actuel, puisque, partout, la fronde gagne du terrain. Les recours contre les entrepôts se multiplient et bloquent l’avancée de la multinationale. Deux sites ont été abandonnés en Alsace. Le projet de Lyon est arrêté depuis deux ans. « Au lieu de suivre les propositions de la Convention citoyenne, le gouvernement prend le chemin inverse. En accélérant les procédures, il va diminuer les possibilités de recours », s’emporte Alma Dufour. (...)