
Avant d’être « le plus pur d’Europe », le lac d’Annecy servait de déversoir aux égouts des villes alentours. Une politique ambitieuse de dépollution menée depuis plus de 60 ans a permis sa restauration mais ses défenseurs ne relâchent pas leur attention face aux nouvelles menaces.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, comme d’autres lacs, celui d’Annecy s’est mis à tourner peu à peu au vert sous l’effet du développement urbain. Les algues s’y multipliaient, les poissons nobles se raréfiaient. Plongeurs, pêcheurs et scientifiques ont alors alerté sur l’état d’eutrophisation [1] accéléré du lac, c’est-à-dire son indigestion aux eaux usées… Le même phénomène qui empoisonne aujourd’hui les plages bretonnes. L’alerte a été prise au sérieux par les édiles locaux et un plan d’action a été mis en place. Ainsi est né en 1957 le Syndicat intercommunal du lac d’Annecy (Sila). Les travaux d’assainissement ont été lancés pour dévier les égouts hors du lac. Près de quarante ans plus tard, le lac d’Annecy est officiellement tiré d’affaire et décroche la médaille du lac le plus pur d’Europe. (...)
Digestion de la pollution
Le Siloé est un gigantesque système digestif. En l’espace de quatre ou cinq heures, il absorbe, tamise, dégraisse, épure et traite, via différents filtres biologiques, les eaux usées avant de les rejeter dans le Fier, qui lui-même les déversera dans le Rhône, bien loin du lac. (...)
L’eau n’en ressort pas potable : restent encore des résidus de micropolluants (pesticides, médicaments, bactéries…). « Mais il y a un suivi important de la qualité des effluents des rejets et ils répondent aux normes réglementaires », assure Victor Frossard, hydrobiologiste de l’université Savoie Mont-Blanc. « Les eaux sont rejetées dans des milieux récepteurs avec une bonne capacité de diminution de la pollution. » Comprendre : les courants, qui finissent de filtrer et de brasser les polluants. (...)
« Ces investissements ont permis de rendre par la suite le traitement pour l’eau potable moins onéreux », se félicite Pierre Bruyère, président du Sila. (...)
De fait, personne ne trouve à redire au travail accompli. Acteurs publics, associatifs comme scientifiques saluent à l’unanimité le travail mené sans discontinuer depuis plus de 60 ans. Le lac d’Annecy porte en lui la preuve qu’avec un peu de bonne volonté politique, les humains sont capables de réparer les dégâts qu’ils ont causés. Il n’est d’ailleurs pas le seul. Les lacs Léman et du Bourget ont suivi son exemple quelques années plus tard. « Aujourd’hui, on observe un niveau de restauration satisfaisant pour les trois lacs », affirme Victor Frossard. (...)
Les pêcheurs sont la vigie du lac. Ce sont eux qui ont donné l’alerte de l’eutrophisation. Aujourd’hui, ils sonnent l’alarme pour un nouveau type de pollution, invisible cette fois-ci, qui menace les rives du lac : celle liée au trafic routier.
Métaux lourds et hydrocarbures
Une étude financée par leurs soins et menée par l’université Savoie Mont-Blanc a montré en 2019 la présence de métaux lourds et d’hydrocarbures à des seuils alarmants sur certaines rives du lac. « C’est lié à l’usure des pneus, des plaquettes de frein, à la combustion de l’essence et du gasoil… », énumère avec un calme professoral Yann Magnani. « Quand il pleut, tous ces polluants présents sur les routes filent directement au lac. » (...)