
Le cas du jeune artiste, arrêté après la diffusion d’une chanson sur WhatsApp, a fait l’objet d’une réprobation internationale assortie de pressions. L’affaire sera à nouveau jugée cet automne par la Cour suprême du Nigéria.
Le 21 janvier 2021, la Haute Cour de l’État de Kano a ordonné la tenue d’un nouveau procès, en raison de vices de procédure. Mais surtout, en novembre 2022, un pourvoi a été fait devant la Cour suprême du Nigéria, pour annuler la condamnation. « Les lois sur le blasphème violent la constitution, la charte africaine et l’ensemble des traités internationaux signés par le Nigéria. C’est un scandale pour le pays le plus peuplé d’Afrique et première économie du continent, affirme Kola Alapinni. La décision de la Cour suprême, qui doit être rendue cet automne, est une étape historique pour la justice au Nigéria. »
L’histoire de Yahaya Aminu Sharif illustre l’enjeu de la liberté d’expression face au fondamentalisme religieux. (...)
Dans les États du nord, deux systèmes fonctionnent en parallèle : le tribunal islamique et le tribunal laïc. Après son arrestation le 4 mars 2020, Yahaya Aminu Sharif a été conduit devant le tribunal islamique de Kano. Le motif de l’accusation était celui de « blasphème contre le prophète » en raison d’une chanson diffusée sur WhatsApp début janvier 2020. L’audience s’est tenue sans son avocat.
« En arrivant à Kano, je n’ai au départ pas pu voir mon client. J’ai par contre pu rencontrer ses parents, qui étaient effrayés. Leur maison venait d’être incendiée », nous dit Kola Alapinni. Le père de Yahaya est également chanteur, spécialisé dans le gospel. « S’il n’avait pas été en prison, Yahaya Aminu Sharif aurait sans doute été lynché », note Amzat Boukari-Yabara, rappelant également l’influence du mouvement terroriste djihadiste Boko Haram sur ce territoire. (...)
Dans les États du nord, deux systèmes fonctionnent en parallèle : le tribunal islamique et le tribunal laïc. Après son arrestation le 4 mars 2020, Yahaya Aminu Sharif a été conduit devant le tribunal islamique de Kano. Le motif de l’accusation était celui de « blasphème contre le prophète » en raison d’une chanson diffusée sur WhatsApp début janvier 2020. L’audience s’est tenue sans son avocat.
« En arrivant à Kano, je n’ai au départ pas pu voir mon client. J’ai par contre pu rencontrer ses parents, qui étaient effrayés. Leur maison venait d’être incendiée », nous dit Kola Alapinni. Le père de Yahaya est également chanteur, spécialisé dans le gospel. « S’il n’avait pas été en prison, Yahaya Aminu Sharif aurait sans doute été lynché », note Amzat Boukari-Yabara, rappelant également l’influence du mouvement terroriste djihadiste Boko Haram sur ce territoire. (...)
Pressions internationales
Le combat de Kola Alapinni, qui est aussi directeur des opérations de l’organisation nigériane Foundation for Religious Freedom, vise désormais à démontrer l’illégalité de la charia dans cette affaire. « La loi islamique peut s’appliquer pour le droit des personnes, comme le mariage, mais pas pour des affaires de droit pénal », nous dit-il. « En cautionnant ce système, le Nigéria cherche juste à donner des gages aux extrémistes religieux », dénonce Muheeb Saeed, responsable de programme à la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest, qui a lancé une vaste campagne de soutien à Yahaya Aminu Sharif. La pression est aussi désormais internationale. Le 20 avril dernier, une résolution du Parlement européen a appelé à la libération immédiate du jeune chanteur et à abandonner toutes les charges retenues contre lui.
L’enjeu est donc devenu politique, alors que le Nigéria a depuis février dernier un nouveau président, Bola Tinubu. Cet ancien gouverneur de Lagos s’est donné comme priorité de relancer l’économie. Or la culture en est justement l’un des leviers. (...)
berceau de l’Afrobeats, le Nigéria est aujourd’hui le carrefour incontournable des musiques urbaines du continent. Autant dire que la censure d’un jeune artiste et sa condamnation à mort serait un signal dramatique envoyé à toute l’Afrique. Kola Alapinni est confiant, et croit en la libération prochaine de son client. Âgé de 25 ans, Yahaya Aminu Sharif a encore toute sa carrière musicale devant lui.