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Associations : inclure les personnes exilées, le défi de la rencontre
Maïa Courtois et Gaspard Njock / En collaboration avec l’Institut français des relations internationales.
Article mis en ligne le 29 août 2020
dernière modification le 28 août 2020

Nombre d’associations travaillent de plus en plus avec des bénévoles exilés dans leurs missions ou leur communication externe. Une histoire d’écoute et de partage, mais impliquant d’être vigilant quant aux relations de pouvoir. Pour éviter que l’inclusion ne soit qu’un principe ornemental, comment faire davantage “pour et par” les personnes concernées ?

Sur la scène, Ferdous et son compagnon de jeu agitent chacun la plume qu’ils tiennent en main, sur une musique douce. D’abord, ils ne se voient pas. Soufflent chacun sur leur plume, l’embrassent. “A un moment, vous allez vous voir, vous rencontrer”, glisse Chloé, la comédienne professionnelle qui les guide. “Bonjour”, “Salam”, “ça va ?”, “c’est joli”…

L’un chatouille l’autre de sa plume. Leur interaction se transforme en combat d’arts martiaux. La comédienne les invite à passer par la joie, la peur, la tristesse… Puis arrive le moment du salut. Les deux jeunes hommes jettent leurs plumes aux spectateurs, sous des applaudissements nourris.

Dans le public, il y a Mamadou, pour qui l’atelier théâtre hebdomadaire est “un moment de rencontre, où l’on apprend à mieux se connaître”. Sa performance sur scène, lors de laquelle il improvise un passage de la colère à l’amour, impressionne. Ou encore Reza, toujours prêt à assurer le show devant ses camarades.

Comédien pendant quatre ans à Téhéran, il cherche aujourd’hui à intégrer une troupe de théâtre professionnelle. “Souvent, on me demande d’abord d’améliorer mon français”, glisse-t-il. Ici, chacun est libre de parler la langue qu’il souhaite ; mais c’est le français qui vient s’imposer avec un naturel déconcertant sur scène. La barrière du vocabulaire s’efface derrière le talent des jeunes femmes et hommes présents à transmettre toute une palette d’émotions.
« Trouver notre lieu de concordance »

A l’origine de cet atelier théâtral, l’association JRS (Jesuit Refugee Service) et son programme JRS Jeunes, qui promeut l’approche de “co-construction”. Certaines activités sont proposés par les coordinatrices du programme, comme le yoga ; quand d’autres sont à l’initiative des personnes exilées bénévoles. L’atelier “Entre femmes”, par exemple, est issu de la demande de femmes migrantes de se retrouver dans des espaces en non-mixité. (...)

La co-organisation de ces activités, gratuites et sans impératif d’engagement, “permet de se questionner sur le pouvoir que chacun prend, pour trouver notre lieu de concordance” soutient-elle.. (...)

Pas si simple : co-organiser prend plus de temps que d’organiser seul, et “l’horizontalité n’est pas forcément inné, par exemple sur les temps de parole”. Pour les participants locaux, “la difficulté est de se décentrer et de ne pas imposer ses règles comme universelles, ne pas être dans le ‘moi je sais’…” explique Pauline Blain.. (...)

La mise en oeuvre d’un bénévolat inclusif se fait, dès lors, de manière “totalement empirique”. Des difficultés apparaissent vite : “nous avions tendance à orienter les bénévoles exilés vers certaines missions en préjugeant de leurs connaissances administratives ou de leur niveau de langue”, évoque Marion Casanova. Une recherche-action a été lancée en interne en 2019.. (...)

Parmi les pistes d’amélioration : “bien définir le bénévolat, le cadre de l’engagement, la nature de la relation avec la structure” cite la responsable. Mais aussi repenser la répartition des missions, et privilégier les équipes mixtes. Du côté des bénévoles exilés, “cela peut développer des compétences ou des envies pour la suite, à un moment où beaucoup sont bloqués dans leur parcours professionnel”.

Du côté des bénévoles français, l’étude interne met aussi en lumière l’acquisition de nouvelles compétences grâce au partage d’expérience.. (...)