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Mediapart
Assauts multiples contre la loi protégeant les lanceurs d’alerte
Article mis en ligne le 12 décembre 2021

Le Sénat est pressé de détricoter la proposition de loi progressiste votée par l’Assemblée nationale pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte. Des amendements préoccupants sont poussés par divers lobbys, dont celui des industries agroalimentaires, ou encore par le ministère des armées, qui cherche à élargir au-delà du secret-défense les domaines qui sont exclus du régime de l’alerte.

Rassemblés autour de la Maison des lanceurs d’alerte (MLA) à Paris, toutes les ONG et associations comme tous les syndicats qui ont ferraillé durant des mois pour obtenir la meilleure transposition possible en droit français de la directive européenne sur les lanceurs d’alerte se sont unanimement réjouis des premiers résultats de leur mobilisation. Car c’est une proposition de loi comprenant de très nombreuses avancées, la plus progressiste d’Europe, que l’Assemblée nationale a votée le 17 novembre, à l’initiative notamment du député (MoDem) Sylvain Waserman, qui en était le rapporteur.

Mais la coalition qui s’était rassemblée à cette occasion pour conquérir de nouveaux droits en défense des lanceurs d’alerte se doutait par avance qu’une fois ce premier obstacle parlementaire franchi, un autre serait sans doute plus difficile ultérieurement à négocier, celui du Sénat. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette crainte était justifiée.

Le combat pour la défense des lanceurs d’alerte est en effet loin d’être gagné. Il peut même essuyer des revers gravissimes, comme en témoigne la décision de la Haute Cour de Londres qui a balayé en appel vendredi le jugement de première instance qui avait rejeté la demande d’extradition de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, vers les États-Unis. C’est donc cette même confrontation qui se déroule en France, à une autre échelle, avec pour enjeux les libertés publiques et le droit de savoir des citoyens, qui dépend très fréquemment du courage des lanceurs d’alerte, lesquels paient chèrement les révélations qu’ils apportent. (...)

Après son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale, la proposition de loi Waserman en effet été transmise au Sénat et doit être examinée le 15 décembre par la commission des lois. (...)

En prévision de ces débats, tous les lobbys, qui ont l’habitude de faire le siège des parlementaires ou de leur transmettre des amendements clés en main pour défendre leurs intérêts, sont entrés en action. Et même certains ministères, comme celui des armées, qui a particulièrement le goût de l’opacité et n’a jamais apprécié la transparence pour les sujets d’intérêt public.

Mediapart a ainsi mis la main sur un mail que l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires a adressé à de nombreux sénateurs pour les inviter à torpiller la proposition de loi sur plusieurs points décisifs. (...)

il ne fait pas bon s’en prendre aux dirigeants de cette filière bretonne ni lever le voile sur les dérives de l’agrobusiness breton. La journaliste Morgan Large, invitée au printemps dernier de notre émission « À l’air libre », en sait quelque chose, elle qui a enquêté sur cette filière et a été la cible d’insultes, de menaces, et a même vu sa voiture sabotée. La journaliste Inès Léraud, qui a conduit de nombreuses enquêtes sur les algues vertes en Bretagne et sur les dérives de certains groupes agroalimentaires bretons (on peut retrouver certains de ses articles sur Mediapart ici ou encore là) peut elle aussi témoigner des nombreuses intimidations dont elle a fait l’objet.

Les entraves à la liberté d’informer sont si nombreuses en Bretagne que 250 journalistes ont demandé voici un an au conseil régional, comme l’a rapporté à l’époque l’AFP, de contribuer à garantir une information « libre » sur la question de l’agroalimentaire dans la première région agricole française ainsi qu’à la création d’un « observatoire de la liberté de la presse ». En avril 2021, la Ligue des droits de l’homme s’est elle aussi inquiétée des menaces pesant en Bretagne sur le droit de savoir des citoyens, notamment pour ce qui concerne « certaines dérives productivistes de l’agriculture intensive en Bretagne et leurs sévères conséquences sociales et environnementales ». (...)