
Le gouvernement s’apprête à prendre une mesure qui poussera à la consommation des terres agricoles péri-urbaines. Il est encore temps de l’en empêcher. Un nouveau recul n’est pas acceptable.
Vendredi 8 novembre, nous avons publié l’enquête de Marie Astier sur l’effet qu’aurait la politique du gouvernement sur l’artificialisation des terres. Le titre original choisi par Reporterre - "La loi de Cécile Duflot va accélérer l’artificialisation des terres " - était cependant inexact. Ce n’est en effet pas la loi présentée par la ministre, loi dite ALUR, qui porte elle-même une menace d’artificialisation des terres, mais des dispositions de la loi de finances visant à faciliter la mise en oeuvre de la loi ALUR. Nous avons donc rapidement changé le titre pour corriger cette erreur.
En revanche, l’enquête était exacte de point en point, et montre bien l’impact sur l’artificialisation des terres des mesures fiscales contenues dans la loi de finances (article 82 et 18, voir notre enquête). (...)
Rappelons ce dont il s’agit : l’article 82 de la loi de finances 2013 augmente considérablement la taxe foncière payée par les propriétaires de terrains constructibles. Les syndicats d’agriculteurs ont souligné vivement que cette mesure allait pousser à la transformation de terres agricoles péri-urbaines en zones construites. Selon ce qu’a indiqué Mme Duflot par tweet le 8 novembre au matin, cet article "est déjà de fait annulé". Non. Son application est repoussée d’un an, au 1e janvier 2015.
L’autre article dangereux du projet de loi de finances 2014 est le n° 18. Comme l’explique Marie Astier, pour l’instant, quand un propriétaire vend un terrain constructible, il paye la taxe sur la plus-value immobilière. Mais plus le propriétaire attend pour vendre son terrain, plus l’abattement fiscal sur cette taxe est important, il en est même exonéré au bout de trente ans. "Cela poussait les propriétaires à garder leurs terrains longtemps, et donc à les louer sur le long terme aux agriculteurs", explique le spécialiste de la fiscalité écologique Guillaume Sainteny.
Sauf que le gouvernement envisage tout simplement de supprimer ce régime fiscal. Qu’ils aient détenu leur terrain un an ou trente, à partir de l’année prochaine, tous les propriétaires paieront autant à l’Etat. Cela poussera donc à vendre les terrains plutôt qu’à les conserver en occupation agricole. (...)
Il semble que, dans les arbitrages interministériels, la ministre n’ait pas emporté le morceau face à Bercy. Le résultat est là : un stimulant à l’artificialisation serait créé, si l’on ne redresse pas la barre dans la discussion parlementaire.
Reporterre est à peu près indifférent aux jeux de pouvoir et aux ambitions de tel ou telle. Seul le résultat d’une stratégie politique compte. Et le résultat visé, ici, c’est l’arrêt du processus destructeur de l’artificialisation des terres.
Celle-ci constitue, avec la question de l’énergie, un des deux problèmes majeurs de l’environnement en France. Si nous échouons sur ces questions, l’entrée de la France sur la voie de l’écologie échouera, et la crise s’aggravera. C’est pourquoi il faut être intransigeant sur ces questions. (...)