
Depuis que l’Allemagne a définitivement décidé, après Fukushima, de sortir de l’énergie atomique à l’horizon 2022, cette politique est souvent décriée en France : elle aurait eu pour conséquence une augmentation du recours au charbon, extrêmement polluant. Pourtant, la part du charbon dans le mix énergétique allemand n’a pas augmenté depuis 2011. Elle reste en revanche très élevée, à 40 % de l’électricité produite. Mais les choses changent. Et le débat sur une sortie de ce combustible fossile, incontournable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays, monte en puissance. Avec une question : quel avenir pour les 29 000 employés du secteur ?
En 2010, l’énergie nucléaire représentait en Allemagne 27% de la production électrique. En 2012, après l’arrêt, l’année précédente, d’une partie des réacteurs, la proportion est tombée à 21% . En 2016, elle n’était plus que de 13%. Le recours au charbon, lui, représentait environ 43% de la production électrique allemande en 2010 (18% pour la houille, 25% pour le lignite). La proportion a augmenté de quelques pourcents dans les années suivantes, puis est revenue à son niveau de 2010. Elle est aujourd’hui d’environ 41%.
Dans les faits, ce sont les énergies renouvelables qui ont compensé depuis 2011 la baisse de la part du nucléaire. En 2010, elles couvraient 16,5% de la production électrique. En 2016, c’était 29,5 % soit, à 1% près, suffisamment pour combler la baisse du recours au nucléaire [1]. Le projet du gouvernement est bien de continuer sur cette voie : l’objectif est d’avoisiner les 45 % d’énergie renouvelable déjà d’ici à 2025 [2].
L’Allemagne face à ses engagements climatiques
En attendant, le poids du charbon reste un problème environnemental et climatique majeur. Aujourd’hui, 80% des gaz à effet de serre émis par la production électrique en Allemagne proviennent de ce combustible [3]. Or, l’Allemagne s’est engagée à réduire de 40 % ses émissions de GES d’ici à 2020, et de 90 % d’ici à 2050 (par rapport au niveau de 1990).
« On sait que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévus pour 2020 ne seront pas atteints sans l’arrêt de centrales à charbon », rapporte Tina Löffelsend, experte en politiques énergétiques de la branche allemande des Amis de la terre (Bund). L’administration allemande pour l’environnement (Umweltbundesamt) a d’ailleurs alerté en janvier sur ce risque : pour respecter ses engagements climatiques de réduction des émissions de GES, l’Allemagne devra réduire de moitié sa production d’électricité issue du charbon d’ici à 2030.
La sortie du charbon de plus en plus discutée
Dans ce contexte, la perspective d’une sortie définitive du charbon est de plus en plus discutée outre-Rhin (...)
Lors de leur dernier congrès en novembre 2016, les Verts allemands ont pris position pour un plan clair de sortie du charbon dans les vingt prochaines années, et l’arrêt le plus rapide possible des centrales les plus polluantes. Le parti de gauche Die Linke se prononce aussi pour un adieu prochain au charbon. « Mais c’est plus compliqué dans les sections Die Linke en régions, surtout en Brandebourg », pointe l’experte des Amis de la terre. Dans cette zone minière depuis plusieurs siècles, Die Linke co-gouverne avec les sociaux-démocrates, et soutient la poursuite de l’exploitation du combustible fossile.
C’est aussi ce qui bloque au sein du parti social-démocrate (SPD) : il est traditionnellement au pouvoir dans les deux grandes régions minières d’Allemagne, (...)
« La sortie est faisable et ne pèsera pas sur la société »
Côté gouvernement, le plan de protection du climat adopté en novembre 2016 n’évoque aucune sortie du charbon. « Le plan pour une sortie du charbon stoppé », s’est d’ailleurs félicité le syndicat des mines IG-BCE. Le texte du gouvernement prévoit tout au plus de mettre en place en 2018 – soit après les élections législatives qui auront lieu cet automne – une commission appelée « Croissance, transformation structurelle et développement régional » qui, de fait, doit examiner les modalités et les conséquence d’une fin du charbon dans les régions minières et industrielles du pays.
Car la question est bien évidemment toute aussi économique que sociale. 29 000 personnes travaillent encore dans les mines et les centrales à charbon allemandes [5]. C’est vingt fois moins que dans les années 1960, où le secteur faisait travailler plus de 600 000 personnes. Mais cela reste beaucoup. L’adieu au combustible fossile ne pourra pas se faire sans un solide plan de reconversion économique, sauf à voir des régions entières sinistrées pour des décennies. Politiques et syndicats en ont bien conscience. (...)
« La sortie du charbon est faisable, elle peut être financée, et notre proposition ne pèse pas sur la société », assure le président du syndicat Verdi Frank Bsirske. Un modèle à suivre pour une sortie française du nucléaire ?