
Suite au passage à tabac de Freddie Gray dans une fourgonnette de police, jusqu’à sa mort dite « accidentelle », le 12 avril dernier, les obsèques ont donné lieu à une violente émeute, suivie de nombreuses manifestations, sur place et dans diverses villes des Etats-Unis. Un bon marronnier pour les médias français : Obama au prise avec la « fracture racial ». Du Figaro au Monde en passant par 20 minutes ou l’Obs, l’expression fait fureur dans les titrailles de couverture : « fracture racial ». Avec sa variante mimétique en une de Libération
On aurait pu imaginer un focus sur le racisme anti-noir de la police états-unienne, ce serait prendre parti. Non, il s’agit d’un différent « racial » en général. On aurait pu imaginer un angle plus subtil sur la fracture entre la haute bourgeoisie noire (incarnée par l’actuel président) et les oubliés des ghettos, mais ce serait alors insinuer une fracture sociopolitique, et ça c’est trop complexe et clivant, le « racial » c’est flou, mais ça fédère l’imaginaire du lecteur franco-français. D’ailleurs pour le choix des photos, c’est pareil. (...)
Trêve de myopie sélective, il suffira d’une minute à n’importe quel internaute pour découvrir l’envers du décor : des manifestations massives de jeunes é plus vieux de toutes couleurs & origines, avec des pancartes aux mots d’ordre anti-flics & anti-racistes, associés à une critique de la ségrégation sociale. Rien d’étonnant à cela puisque cette ancienne ville industrielle a été à la pointe de la lutte pour les Droits civiques, de la contestation étudiante puis du mouvement des Blacks Panthers surant les sixties & seventies. Pour preuve, ce lot d’images empruntées, entre autres, au facebook de OccupyBaltimore.
Ce qu’il Fallait à tout prix ne pas nous montrer. Zoom avant sur un corps social en ébullition : (...)
Quant au mode de représentation de l’émeute, on nous montre rarement ce que peut devenir une attaque massive et ciblée contre les forces surarmées de la répression quotidienne. (...)
En guise d’épilogue, rappelons qu’au cours du seul dernier mois, la violence policière en ïle-de-France a provoqué la mort de deux personnes sans défense : Amadou Koume dans le commissariat de la rue Louis Blanc (Paris X) et Pierre Cayet (un Guadeloupéen de 54 ans) dans un commissariat de Seine-Saint-Denis. Sans parler des multiples mutilations au flash-ball à Montreuil, Nantes et ailleurs. Il n’est pas surprenant qu’aucun journaliste (assermenté par les médias officiels) n’ait pensé à faire le lien avec les soi-diant « bavures » de Ferguson ou Baltimore.