
De nombreux jeunes agriculteurs souhaitent vivre sur leurs exploitations, et s’installent en « habitat léger ». Outre les économies générées, cela permet de ne pas bétonner les parcelles. Ils doivent pourtant faire face à maintes hostilités.
Depuis le 8 novembre, Adrien Cano et sa famille, jeune couple de maraîchers installé en Vendée, sont redevables de 50 euros par jour à leur commune, soit 1500 euros par mois. Le maire les a mis en demeure pour avoir installé un mobile home sur la ferme où ils travaillent. Le couple a déposé un recours contre l’arrêté. Leur recours était examiné ce 22 novembre au tribunal administratif de Nantes. « On espère la suspension de cette astreinte ridicule de 50 euros par jour, en attendant un jugement sur le fond ou un dénouement autre de cette affaire. » La décision du tribunal devrait être rendue dans quelques jours.
L’affaire est loin d’être anecdotique. Il y a quelques semaines, un couple d’agriculteurs cultivant du safran dans les Alpes-Maritimes a saisi le tribunal de Nice. La mairie les menaçait de 200 euros d’amende par jour s’ils n’enlevaient pas la tiny house qu’ils ont construite sur leur ferme [1]. « Le tribunal a suspendu l’arrêté pour doute sérieux sur la légalité, c’est une première jurisprudence sur l’habitat léger », se réjouit Paul Lacoste, du réseau Halem (Habitants de logements éphémères ou mobiles) qui renseigne et accompagne juridiquement les personnes en habitat léger [2].
Le réseau Halem alerte depuis longtemps sur la situation des agriculteurs qui s’installent. « Les habitations légères de type caravane, mobile home, yourte, roulotte, cabane, etc., servent de plus en plus pour une installation progressive agricole en permettant au paysan de se concentrer sur son installation le temps de trouver une solution de logement. Il faut cesser de dire que ces personnes sont un problème, mais bien dire qu’elles ont un problème. Il appartient au législateur d’intervenir pour le résoudre », suggérait-il dans un communiqué cosigné avec la Confédération paysanne en 2013.
Neuf ans se sont écoulés et les appels de paysans, souvent jeunes et non issus du milieu, voulant s’installer sur de petites surfaces et sans élevage, demeurent réguliers (...)
Les procédures sont souvent éreintantes (...)
« Ce qu’on demande, c’est le droit, en tant que maraîcher bio, de vivre sur notre terre. On a besoin d’être présent tout le temps. Le fait de ne pas recourir aux techniques habituelles de l’agriculture conventionnelle nous demande davantage de vigilance. » Cet argument n’a pas pesé auprès de l’administration. « Ils m’ont rétorqué que la présence est considérée comme nécessaire uniquement pour les élevages où il y a des naissances. » Un document de l’administration précise que « la présence rapprochée et permanente de l’exploitant sur le lieu de l’exploitation pour du maraîchage » n’est pas justifiée, en vertu d’une décision de la cour administrative d’appel de Lyon datant de 2010 (...)
Jean Denis et sa compagne ont décidé de ne pas baisser les bras. Basta ! a cependant eu connaissance de plusieurs cas de paysannes et paysans qui, mis sous pression, ont démonté leur habitat léger et cessé leur activité. Pourtant, installer des exploitations agricoles est plus que jamais nécessaire : plus de la moitié des 391 000 paysans et paysannes ont plus de 50 ans, et les nouvelles installations ne permettent pas de compenser les départs. « L’état de nécessité est plaidé régulièrement, mais c’est très peu reconnu », constate Béatrice Mesini (...)
Comment expliquer de telles réticences envers l’habitat léger ? « Les phobies sont très ancrées à l’encontre de l’habitat mobile, observe Paul Lacoste. ’’Il va y en avoir partout, ’’ça va dépareiller le paysage’’, ’’ça déprécie le bâtiment ancien’’... C’est de l’ordre des phobies. » « Il y a une grande crainte des élus avec l’idée de l’appel d’air et de la prédation environnementale, note Béatrice Mesini. Beaucoup de stéréotypes sont attachés à ce mode d’habitat, dont les plus symptomatiques visent les gens du voyage, les populations Roms et les travailleurs saisonniers. » (...)
En outre, « il y a peu de demandes, car le dispositif est peu promu en l’absence de volonté politique. Et quand il y a des demandes, ça freine et ça bloque au nom de la lutte contre l’artificialisation ou la non-intégration architecturale de ces habitats légers, mobiles et réversibles. » « L’habitat léger, c’est de l’habitat réversible, et c’est justement la meilleure approche pour stopper le béton et éviter l’artificialisation », réagit Paul Lacoste. (...)
Des maires accueillants en lutte avec l’administration
Alain Gibert a fait partie des maires accueillants en quête de reconnaissance de l’habitat léger. Maire pendant 26 ans de la commune de Rocles (250 habitants) en Ardèche, il a été un précurseur en mettant en place un Stecal, sur une zone en partie agricole et constructible, avec eau et électricité, pour un projet de lieu de vie collectif constitué de quelques maisons réversibles, sans fondations, de type yourte. Les négociations avec l’administration ont été âpres. (...)