
C’est une coopérative née dans la banlieue lyonnaise : Alter-Conso fournit une alimentation de qualité à plus de 700 familles tout en ayant créé huit emplois et en permettant aux agriculteurs locaux de vivre de leur travail. Un véritable laboratoire de l’entreprise et de l’économie de demain, basé sur les circuits courts, et compatible avec les défis écologiques et sociaux. Qui se développe sans le soutien et dans l’indifférence des pouvoirs publics… Reportage.
(...) Se faufilant entre les caisses de fruits et légumes, Sam répartit les « paniers solo », « couples » et « familles ». Evelyne sort des bureaux administratifs pour s’atteler à la préparation des « paniers goûters », pendant que Joël livre sa farine de sarrasin dans le coin épicerie. L’organisation est parfaitement rodée. Au fond de l’entrepôt, Thomas s’active à la préparation des « caisses d’échanges », qui permettent à un consommateur d’échanger un produit qui lui déplaît. Nous sommes à Décines, dans la banlieue lyonnaise, au sein d’une nouvelle manière d’envisager l’entreprise, la vente de produits alimentaires, le travail et l’économie en général. Un laboratoire du commerce en circuits courts.
Alter-Conso se lance en 2006. A l’époque, ils sont plusieurs producteurs et consommateurs à vouloir dépasser les contraintes des traditionnelles Amap (Association de maintien pour une agriculture paysanne), où la logistique, comme la répartition et la distribution des paniers, sont assurées par des bénévoles. « Avec l’appui de producteurs, nous avons fait le choix de rémunérer progressivement ces emplois » (...)
Les coopérateurs d’Alter-Conso sont parvenus à professionnaliser la structure tout en garantissant des emplois pérennes. Au point de concurrencer les grandes surfaces ? L’idée peut faire sourire, mais Alter-Conso réalise un chiffre d’affaires de 104 000 euros par salariés [1] contre 250 000 euros en moyenne dans la grande distribution (selon des données publiées par l’INSEE). La coopérative est donc en capacité de créer deux fois plus d’emplois que les systèmes classiques de distribution alimentaire. Grâce à son fonctionnement plus artisanal et des charges plus faibles, notamment en immobilisations de capital. Surtout, différence essentielle avec la grande distribution où le travail est souvent répétitif et parfois pénible, la coopérative assure créer des « emplois de qualité ». (...)
Alter-Conso a obtenu le statut de « Société coopérative d’intérêt collectif » (Scic) en 2008. Son conseil d’administration est composé de quatre collèges : les consommateurs, les salariés, les producteurs et les sympathisants. Les trois premiers collèges disposent respectivement de 30 % des parts sociales, et les sympathisants de 10 %. « La SCIC est un modèle où les décisions et les pouvoirs sont discutés, partagés, et où chacun doit donner son avis sur le principe d’une personne égal une voix », rappelle Sam. Les conseils de coopération, des ateliers de réflexion, des groupes de travail thématiques, qui réunissent des producteurs, consommateurs et salariés, rythment la vie de la coopérative. Ils permettent de débattre et de trancher les grandes décisions. Et de partager au mieux les responsabilités.
(...)
Les coopérateurs ont voté en assemblée générale le fait que l’ensemble des producteurs qui entraient dans la coopérative devaient s’engager dans une démarche d’agriculture biologique. Au démarrage de l’activité, un seul maraîcher pratiquait une agriculture répondant au cahier des charges de l’agriculture biologique. Aujourd’hui ils sont quatre sur six à s’y être convertis. (...)
C’est donc sans aucun financement public qu’Alter-Conso a rapidement grandi. « Après les premières années de lancement s’est posée la question de la forte demande à satisfaire », relate Sam. L’idée d’augmenter le nombre de salariés pour réaliser plus de ventes et pousser les producteurs à devenir intensifs, ne correspondait pas au sens du projet. Les coopérateurs ont alors fait le choix de fixer un seuil de 800 consommateurs à ne pas dépasser. « La solution est de se lancer dans l’essaimage de structures identiques à la nôtre pour promouvoir un système économique qui correspond à nos valeurs », ajoute Sam.
Deux structures sont nées de ce processus, Croc’Ethic et l’Arbralégumes, qui partagent aujourd’hui l’entrepôt d’Alter-Conso et qui, elles-aussi, créent des emplois. (...)