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Alsace : la ZAD qui défie Vinci
Article mis en ligne le 10 octobre 2017

Vinci souhaite construire une autoroute à l’ouest de Strasbourg, dans le but affiché de désengorger la capitale européenne. Les opposants dénoncent un nouveau « grand projet inutile » dangereux pour l’environnement. Reportage à la ZAD du moulin, où la résistance s’organise.

(...) Bienvenue à la ZAD (zone à défendre). L’endroit est calme, on entend l’eau ruisseler derrière le moulin, qui a donné son nom au lieu. Quelques personnes s’affairent autour de l’espace de vie construit avec des matériaux de récupération. Une cuisine, un bar, un espace de stockage pour le bois et les aliments. Un reste de feu languit entre des chaises de camping, un vieux fauteuil et des sièges taillés dans des troncs. Quatre poules déambulent tranquillement sous le soleil de l’après-midi. Elles s’appellent « Iron », « Maiden », « Led » et « Zeppelin ». « On a même une scène pour les spectacles », complète Peter, zadiste. Il dort là depuis trois nuits, « même s’il commence à faire froid. Ça va être dur cet hiver. » Ce n’est rien à côté de Notre-Dame-des-Landes et ses centaines d’occupants permanents.

Pourtant, ce petit monde a bloqué les travaux d’une autoroute et fait mordre la poussière à un géant mondial du BTP, Vinci et sa filiale Arcos, concessionnaire et maître d’ouvrage. Le 20 septembre, les opposants ont manifesté et empêché les travaux de déboisement qui devaient inaugurer l’autoroute A355, également appelée Grand contournement ouest (GCO). Le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, a pris la tête de la contestation. Et pour cause : le nouvel axe routier de 24 kilomètres doit traverser la commune. Selon ses promoteurs, il permettra de désengorger l’A35 qui passe au milieu de Strasbourg. Il est reconnu d’utilité publique. M. Karcher, lui, juge le projet « inutile », même si Vinci assure tous les frais de construction. Nicolas Hulot a suspendu les travaux mais ne s’oppose au GCO. Il s’en remet à l’avis (consultatif) du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), attendu pour ce mois d’octobre. Il avait déjà rendu un avis négatif en juillet et Vinci avait dû revoir sa copie. En manifestant, les opposants ont peut-être gagné un temps précieux : en raison de la nidification des chauve-souris dans la forêt autour de Kolbsheim, le déboisement n’est autorisé que du 1er septembre au 15 octobre. Si rien n’est fait avant cette date, le chantier ne pourra pas redémarrer avant septembre 2018. (...)

Il n’y a pas qu’à Kolbsheim que la colère gronde. Plusieurs élus locaux se sont joints à la contestation, comme Jean-Marie Schaeffer, conseiller municipal à Oberschaeffolsheim, commune voisine située sur le tracé de l’A355. « Comme la route sera sur le relief, la pollution va descendre vers la commune. Et moi, j’habite à 400 mètres de l’autoroute. » Ses motivations sont écologistes, mais aussi pratiques : « Cet axe sera payant, et on ne pourra le rejoindre qu’à quatre endroits. D’une part, on ne pourra pas le rallier à partir des petites communes aux alentours, il faudra rouler jusqu’aux échangeurs. D’autre part, qui sera prêt à débourser 3 euros, voire 7 euros en heure de pointe, alors que les autoroutes alsaciennes sont gratuites ? Les gens continueront à rouler sur l’A35, c’est complètement absurde ! » En 2008, le dossier d’enquête publique avait conclu que le désengorgement de Strasbourg n’était « ni l’enjeu, ni l’objectif du GCO » et que le rapport de trafic ne serait que de 4,6%. (...)

José Bové, saint patron de la ZAD, héros du Larzac, est venu donner sa bénédiction. « C’est grâce aux zadistes que la forêt tient encore debout, entonne-t-il sous les applaudissements. Le droit, il est de votre côté. » Mais pour combien de temps encore ?