
Des opinions d’extrême-droite ayant été rejetées pendant des décennies sont à nouveau devenues acceptables. Les politiques allemands y ont leur part de responsabilité.
Jamais Angela Merkel n’avait affirmé dans des termes aussi clairs que l’Allemagne a un problème de racisme. "La haine est un poison et elle est responsable de trop de crimes dans ce pays", a déclaré la chancelière allemande après le bain de sang dans la ville de Hanau où un homme aux motivations racistes a abattu neuf personnes la semaine dernière.
Le tueur avait "une attitude profondément raciste", a affirmé le procureur fédéral.
Pour la troisième fois en à peine neuf mois, un partisan d’extrême-droite a perpétré une attaque en Allemagne. Avant Hanau, l’homme politique Walter Lübcke est mort par balles en juin, alors qu’en octobre dernier deux personnes ont été tuées devant une synagogue dans la ville de Halle pendant la fête juive de Yom Kippour.
Par ailleurs, la police vient d’interpeller un groupe de 12 hommes appartenant à un groupuscule d’extrême-droite. Ils sont soupçonnés d’avoir voulu planifier une attaque contre des politiques, des demandeurs d’asile et des musulmans.
Le rôle de l’AfD ?
D’où provient cette haine, ce "poison" dont parle la chancelière allemande ? Certes, la xénophobie n’est pas nouvelle dans le pays, alors qu’une étude montre que 15 à 20% de la population a des vues hostiles contre les étrangers. Mais personne ne naît raciste.
Après la tuerie de Hanau, le parti d’extrême-droite AfD (Alternative pour l’Allemagne) est à nouveau pointé du doigt. "Nous sommes en train de voir comment le climat social a pendant très longtemps été empoisonné par l’AfD, comment la haine a été fomentée, comment la société a été divisée", a affirmé le secrétaire général du parti social-démocrate SPD Lars Klingbeil, qui a dit de l’AfD que le parti était "le bras politique de l’extrémisme de droite".
La normalisation du racisme
L’AfD est un parti qui minimise le rôle destructeur joué par le nationalisme socialiste dans l’histoire. Il cherche également à rendre le racisme basé sur les origines ethniques à nouveau acceptable en société.
Les personnes ayant une apparence ou un nom qui suggère un passé migratoire sont verbalement attaquées et pointées du doigt. (...)
Pour autant, selon le député Lorenz Gösta Beutin du parti de gauche radicale Die Linke, l’AfD n’est pas seul responsable de la montée du terrorisme d’extrême-droite en Allemagne.
Il estime qu’il ne faut pas oublier que d’autres hommes politiques, à l’image du ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer du parti CSU — la version bavaroise de la CDU — ont contribué à la diffusion d’un sentiment de peur des étrangers, notamment pendant la crise des réfugiées à partir de 2015. "C’étaient des personnes comme lui qui ont été les intellectuels incendiaires qui ont semé les graines de la haine", assure Lorenz Gösta Beutin. Ainsi, en 2011 déjà, Horst Seehofer affirmait que son parti "résistera contre vents et marrées" pour mettre fin à l’immigration qui profiterait du système d’aide sociale allemand. Puis, en 2015, il qualifiait la migration de "la mère de tous les problèmes".
Rappels à l’ordre
Depuis des années, les Nations unies et les Conseil de l’Europe affirment que le gouvernent allemand doit faire davantage d’efforts dans sa lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme. Mais malgré les mesures prises par Berlin, la tuerie de Hanau a montré les limites de l’action politique actuelle. (...)
Plus de 200 personnes ont été tuées par des partisans d’extrême-droite depuis 1990. D’après Jan Korte, "on a ri au nez de ceux qui mettaient en lumière et ont décrié ce qui était en train de grandir".