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Jean-Marie Harribey pour Alternatives Économiques
Alexis s’invite chez la tsarine
Article mis en ligne le 7 juillet 2015

Il faudra tirer le bilan de près de six mois de tyrannie de la part de la Troïka contre le peuple grec et son gouvernement : harcèlement, chantage, menaces et exigences toujours accrues au fur et mesure qu’elles étaient quasiment satisfaites. Et aussi six mois de mensonges de la part d’une presse acquise à l’idéologie néolibérale et d’éditorialistes aussi écœurants qu’ignorants.

Six mois pendant lesquels la chancelière Angela Merkel, son ministre des finances Wolfgand Scbäuble, le président François Hollande, l’évadeur fiscal Jean-Claude Juncker, et la directrice de la Folie monétaire internationale Christine Lagarde ont fait quotidiennement preuve de morgue, de mépris, d’insultes contre la démocratie en Grèce et de condescendance vis-à-vis du petit jeunot Alexis Tsipras.

Six mois d’illusions entretenues par le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi : d’un côté, il affirmait une volonté de mener une politique monétaire accommodante, et, de l’autre, il décidait de ne plus refinancer les banques grecques en refusant les titres grecs en contrepartie, suspendant les banques aux liquidités d’urgence dont elles doivent payer un prix trois fois supérieur au taux du refinancement. Un quantitative easing pour tout le monde sauf pour ceux qui en ont besoin !

D’ores et déjà, il y a deux certitudes au lendemain de la victoire du « non » (« oxi ») à l’austérité obtenue le 5 juillet lors du référendum grec. Organisée en moins de dix jours, une « guerre éclair » démocratique peut être gagnée parce que des citoyens sont capables de comprendre les enjeux principaux qui les concernent, en dépit de l’intoxication que médias et instituts de sondage à la botte de l’ennemi ont distillée. Que les quatre premiers ministres ayant précédé Alexis Tsipras et ayant mis la Grèce dans la situation désastreuse où elle est, que les armateurs bénéficiant des privilèges fiscaux, et que tous les riches faisant évader leurs capitaux aient appelé à voter « oui » en dit long sur le caractère de classe de la lutte engagée contre l’austérité néolibérale en Europe.

Et l’intoxication reprend de plus belle dès l’annonce de la gifle infligée aux « terroristes » intellectuels : « C’est Alexis Tsipras qui a fait le malheur de son propre peuple » déclare un membre du « Cercle des économistes », habitué des âneries académiques. « Si la Grèce fait défaut sur sa dette, ce sera autant plus de dette de la France », affirme sottement Dominique Seux, tombé de son lit néolibéral douillet de France Inter, au matin du 6 juillet.

Aujourd’hui, donc, saluons le coup de maître en stratégie d’Alexis Tsipras : faire sanctionner par le peuple les six mois d’humiliation subie, les six ans de purge mortelle administrée et lui faire trancher l’alternative entre renforcer l’austérité et sortir de ce piège. Et, dans la foulée, éviter un second piège, celui de réduire cet enjeu à celui d’une sortie brute de l’euro. Dès lors, la discussion et les négociations peuvent reprendre sur des bases renouvelées (...)

Pourtant, la probabilité que les classes dominantes européennes s’enferment dans leur aveuglement est grande. En effet, le risque existe pour que la BCE, qui tient dans ses mains le robinet de la liquidité monétaire, ferme celui-ci à double tour : après le refus du refinancement, celui de l’aide d’urgence. Si c’est le cas, le gouvernement Syriza devra envisager un contrôle strict et pérenne des capitaux, retrouver la maîtrise de sa banque centrale, créer une monnaie nationale, au moins à usage interne, ce qui ne sera pas loin d’une « sortie » de l’euro, en tout cas, d’un desserrement de l’étau troïkesque. Mais ce sera la seule solution pour pouvoir rouvrir les banques.

Tout va dépendre de l’acceptation ou non par les dirigeants de la zone euro de la renégociation de la dette grecque. À entendre les premières déclarations de Merkel et de Hollande, selon lesquels les Grecs doivent faire de nouvelles concessions « sérieuses, crédibles », dixit Hollande, alors que le gouvernement a déjà mis beaucoup d’eau dans son vin, inutilement puisque, à chaque fois, la Troïka surenchérissait dans ses oukases, on peut craindre que la future négociation ne soit qu’un nouveau leurre.

En effet, le gouvernement grec s’est engagé à réformer sa fiscalité en imposant les plus riches, alors que la Troïka lui demande de le faire en diminuant les dépenses publiques. On voit bien l’opposition radicale sur la conception de l’économie(...)

La situation nouvelle créée par le résultat du référendum est que le rapport de force politique s’est un peu amélioré en faveur de David contre Goliath. En d’autres termes, Alexis arrive chez la tsarine avec un soutien populaire renforcé.