
Les centrales biomasses sont parmi les sources de pollution de l’air les plus toxiques, et pourtant elles se multiplient, dénoncent les auteurs de cette tribune, professionnels de santé strasbourgeois. Un danger accentué par la déforestation, et par l’insuffisance des valeurs limites pour d’autres polluants nocifs cancérigènes.
Une centrale biomasse est une usine qui produit de l’énergie sous forme de chaleur par la combustion de matières organiques, le plus souvent du bois. C’est une source de polluants de l’air toxiques, en particulier dans les grandes agglomérations déjà très polluées comme Strasbourg. La combustion du bois est la source la plus émettrice de polluants nocifs pour la santé, davantage même que le charbon et le fuel.
Elle produit des particules fines semblables en termes de composition aux particules diesel, notamment en raison de la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), extrêmement cancérigènes et dangereux pour les systèmes respiratoires, cardiovasculaires et pour le développement du fœtus. (...)
Des particules fines retrouvées chez des enfants
Certes, les centrales récentes, notamment équipées de filtres à manche, permettent de diminuer les émissions, mais elles laissent échapper les particules ultrafines, les plus toxiques en raison des nombreux HAP présents à leur surface et de leur taille, qui leur permet d’atteindre tous les organes. C’est précisément ces particules que nous avions décelées dans les urines d’une trentaine d’enfants strasbourgeois (...)
Encourager le développement du chauffage au bois et des centrales biomasses, qui fonctionnent en grande partie au bois, est donc dangereux pour la santé de nos concitoyens et incompatible avec les politiques publiques d’amélioration de la qualité de l’air, notamment dans les treize villes et territoires qui outrepassent les normes européennes, comme Strasbourg. De nombreux projets de centrale biomasse en France et à l’étranger se heurtent d’ailleurs à l’opposition de riverains inquiets pour leur santé et d’associations en pointe dans la lutte écologique, telles Greenpeace ou Les Amis de la Terre, qui s’accordent pour dénoncer le remplacement de centrales à charbon par des centrales au bois. (...)
Les erreurs ne s’arrêtent malheureusement pas là puisque l’État et nos élus locaux encouragent — en plus de la combustion du bois — le recours à la production de chaleur par incinération, parfois même en remplacement de chaufferies au gaz, pourtant très peu polluantes. (...)
Ce passage du gaz à l’incinération de déchets multipliera par deux, au minimum, les émissions de particules fines et par quatre les émissions de HAP.
Un danger pour la santé et le climat
Dangereuse pour la santé, la combustion intensive du bois n’est pas bonne non plus pour le climat (...)
C’est le sens d’une lettre publiée en 2018 dans la revue Nature et envoyée à l’Union européenne par des chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces scientifiques alertaient sur le danger du développement industriel des forêts européennes, qui ne permet pas de compenser l’augmentation des émissions de CO₂ liées au développement des centrales et chauffages au bois, et estimaient que si rien n’était fait, la filière bois énergie serait responsable, à elle seule, d’un accroissement de 10 % des gaz à effet de serre dans les dix prochaines années. (...)
Nous, médecins, rappelons également que les polluants toxiques sont insuffisamment évalués et réglementés dans l’air ambiant, notamment les polluants émis par le secteur industriel, incluant les centrales au bois et incinérateurs. Nous insistons sur l’importance d’instaurer des valeurs limites et une surveillance des polluants toxiques pas encore réglementés, comme le préconise l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Nous demandons aussi une révision des normes pour les polluants les plus nocifs comme les HAP.
Un contrôle insuffisant de ces émissions cancérigènes (...)
Nous souhaitons élargir cet appel, déjà signé par cinquante professionnels de santé strasbourgeois, à l’ensemble des professionnels de santé et associations environnementales en France, afin de demander une limitation de l’utilisation du bois, notamment dans les territoires pollués. Nous sollicitons aussi l’instauration de valeurs limites et d’une surveillance des polluants toxiques non réglementés ainsi qu’une mise en place de valeurs limites plus strictes pour les polluants les plus toxiques tels que les HAP.