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Agriculture européenne : sournoise sollicitude du ministre étasunien
Article mis en ligne le 7 février 2020
dernière modification le 6 février 2020

Sonny Perdue, ministre de l’Agriculture des États-Unis et ancien haut responsable chez Monsanto [1], a entrepris une tournée en Europe : il a rencontré les Commissaires à l’Agriculture (Janusz Wojciechowski), la Santé (Stella Kyriakides) et au Commerce (Phil Hogan), s’est entretenu avec les ministres nationaux de l’Agriculture et avec de nombreux journalistes. Son objectif : faire que l’Union européenne change de cap et accepte les produits agricoles américains, comme le bœuf aux hormones, le poulet au chlore ou les OGM, anciens ou nouveaux.

La rhétorique est classique : les décisions européennes qui empêchent ces produits d’arriver sur notre territoire ne sont pas basées sur « des données scientifiques fiables ». Sonny Perdue a défendu l’utilisation de nouvelles techniques de modification génétique qu’il nomme « techniques de sélection des plantes » afin d’en masquer la vraie nature. Il s’agit simplement, explique-t-il, d’une technique de sélection naturelle « accélérée » : « Nous avons la responsabilité de communiquer cela au public : que ce ne sont pas des gènes bizarres du type Frankenstein ». Au contraire, ces nouveaux outils permettent d’obtenir des produits « plus efficaces, plus efficients, plus sains, et plus sûrs ». Il invite donc l’Europe à communiquer ces avantages au public : « Je pense qu’un travail doit être fait au sein de la Commission européenne pour résoudre [les réticences]. Car nous pensons que c’est un outil que les agriculteurs européens peuvent utiliser. Il est sûr et efficace, et il est sain et abordable ». AgraFact mentionne que « M. Perdue a reconnu que les États-Unis avaient encore du travail à faire avec leur propre Food & Drug Administration (FDA) sur le sujet ».
Quand un ministre étasunien conseille « gentiment » l’Union européenne

Euractiv, un journal financé entre autres par Corteva, une entreprise qui vend des OGM et autres pesticides, était présent au point presse et profite de l’occasion pour enfoncer le clou. (...)

Quant à la concurrence, ce thème est repris de façon paradoxale par le représentant étasunien. Il souligne dans son intervention que l’opinion publique européenne doit comprendre que si elle choisit d’être une zone sans technologie, ses producteurs seront très désavantagés, non seulement par rapport aux États-Unis, mais aussi par rapport au reste du monde, y compris par rapport à la technologie croissante en Asie. En quoi le porte-parole de l’agriculture étasunien se soucie-t-il de la bonne santé économique des agriculteurs européens ? Dans un monde ultra-libéral, basé sur la compétition et la concurrence, une telle remarque cache sans doute quelque chose. (...)

Toujours très philanthrope, Sonny Perdue déclare « si l’Europe ne parvenait pas à introduire la technologie dans son agriculture, elle finirait par dépendre du reste du monde pour son approvisionnement alimentaire. Je ne pense pas que les consommateurs européens souhaitent cela ». Les européens n’auraient-ils pas plutôt envie de décider par eux-mêmes ce qui est bon pour eux sans attendre d’un concurrent des leçons sur la façon d’assurer notre sécurité alimentaire ?

Le responsable étasunien a aussi affirmé, lors d’un point presse tenu le 27 janvier 2020, que les responsables politiques de l’UE étaient prêts à ouvrir le débat sur la biotechnologie dans l’agriculture. Pour lui, le problème vient des ONG (...)

La balance commerciale entre les États-Unis et l’Union européenne est actuellement en faveur de l’UE, notamment sur les produits agricoles (le déficit serait compris neuf et onze milliards d’euros). Déficit que les États-Unis ont bien sûr envie de réduire. Sonny Perdue estime précisément que la relation commerciale transatlantique pourrait s’améliorer si l’UE, qui interdit l’importation de volailles traitées au dioxyde de chlore, « était plus ouverte sur cette méthode de conditionnement ». En effet, la levée de cette interdiction pourrait ainsi contribuer à rééquilibrer le déficit commercial annuel américain sur les produits agricoles. D’ailleurs le secrétaire du département de l’Agriculture étasunien a aussi souligné que l’affirmation selon laquelle les poulets américains sont nettoyés au chlore est une « idée fausse » : « Vous savez ce que c’est ? C’est du vinaigre, essentiellement ». Il a aussi mentionné le bœuf aux hormones comme un autre élément pour améliorer les relations entre l’UE et les États-Unis, insistant sur le fait que les dangers de ces produits pour la sécurité alimentaire étaient exagérés ou non démontrés par la science. Il s’est également plaint que le suif américain n’était pas autorisé dans l’UE, bien qu’il soit destiné à un usage industriel plutôt qu’alimentaire. (...)

La Commission voudra-t-elle répondre aux désirs des États-Unis ? (...)