
Entre autres conséquences, les différents soulèvements récents dans le monde arabe ont provoqué une véritable révolution dans la communication politique ; d’abord dans le camp des manifestants, mais également, c’est plus inattendu, du côté des instances officielles. Impossible de présenter en quelques lignes l’incroyable inventivité, sur le plan du langage et/ou de l’image, des mouvements de protestation.
Beaucoup moins créatives sans doute, mais tout de même intéressantes à noter pour ce qu’elles révèlent des mutations que le monde arabe est en train de vivre, les tentatives de la part des instances officielles de renouveler leur communication. Cela passe d’abord par l’adoption de nouveaux canaux. (...)
Dernier exemple en date, la Syrie de Bachar al-Assad, confrontée à une vague de protestations depuis bientôt deux mois (date des premiers appels à manifester sur Internet). Là encore, dans ce pays aujourd’hui dirigé par celui qui fut naguère le président de sa Société d’informatique, les nouveaux canaux sont bien entendu investis : des années après que le président eut lui-même inauguré sa page Facebook (à nouveau autorisé dans le pays, depuis février dernier), c’est Ibrahim al-Mouallem, le ministre des Affaires extérieures, qui communique désormais par Twitter… Mais c’est toutefois dans le domaine des contenus que la communication politique a connu sa plus grande transformation (on se gardera bien d’utiliser dans ce contexte précis le mot de révolution…)
Il faut dire que l’on part de très très loin. (...)
En plus de l’affichage en quelque sorte traditionnel, sur les édifices officiels qui, paradoxalement, sont en partie restés à l’écart du phénomène, ce qui frappe c’est d’abord le caractère individuel, et en principe volontaire, des marques ostensibles d’allégeance : boutiques, voitures, mais aussi portes et fenêtres où est placardé le portrait du président, pour afficher son soutien au régime (ill. 6). Massive dans un premier temps, cette forme de manifestation semble avoir quelque peu régressé, peut-être à cause de mesures de rétorsion prises par des adversaires du régime (on a ainsi parlé de pare-brises fracassés par des opposants au régime).
Cette évolution vers une sorte d’individualisation du soutien citoyen, spontané ou plus ou moins contraint, s’accompagne, sur le plan du goût, d’une modernisation des idéaux esthétiques, désormais gagnés par les standards globalisés. Conformément au désir de Bachar al-Assad d’apparaître comme un président jeune et modernisateur, on observe un rajeunissement de l’iconographie, tant sur le plan de l’image que du slogan (ill. 7), au risque d’interférences avec les codes iconographiques de l’imagerie populaire, dans le registre sentimental (...)
A défaut des réformes dont il reconnaît la nécessité, le pouvoir syrien affiche son désir d’aggiornamento en multipliant des mots d’ordre qui claquent comme des slogans publicitaires(...)
Wikio