
L’affaire du compte suisse de l’ex-ministre du Budget replace la question de la fraude fiscale au coeur des débats. Sans une lutte efficace contre ce fléau, il n’y aura pas de désendettement public en Europe faute de pouvoir mener des politiques socialement acceptables pour la population.
(...) L’onde de choc Cahuzac continue de déferler sur la politique française. Sur un plan au moins cette affaire est malgré tout plutôt une bonne nouvelle : pour une fois, ni l’administration fiscale ni le parquet n’ont été réquisitionnés pour tenter d’entraver une enquête touchant pourtant l’un des principaux ministres du gouvernement. Espérons que cette affaire marquera en la matière un tournant irréversible et que ces mœurs, très nouvelles dans l’Hexagone, s’ancreront durablement dans le paysage. (...)
Mais l’affaire Cahuzac montre aussi et surtout, avec le cas emblématique de l’ex-ministre du Budget himself, à quel point redressement des comptes publics et lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux sont intimement liés : les efforts demandés aux Français ordinaires dans ce but ne peuvent en effet être acceptés, socialement et politiquement, que si on prend véritablement les moyens d’empêcher les plus riches et les grandes entreprises de continuer à échapper à l’impôt. Or, sur ce terrain quasiment rien n’a été fait en France et en Europe depuis 2009. Il faut que ça change.
Il faut en effet rééquilibrer les comptes publics, sans quoi on court le risque à terme d’un emballement incontrôlé de la dette et, surtout, le service de la dette empêche les pouvoirs publics de consacrer prioritairement leurs efforts à préparer l’avenir du pays : laisser filer la dette publique, c’est une politique de droite, celle de ceux qui, comme Reagan et Bush aux Etats-Unis ou Berlusconi et Sarkozy en Europe, préfèrent emprunter de l’argent aux riches plutôt que de leur faire payer des impôts. (...)
pour réussir à taxer effectivement en priorité les plus aisés et les grandes entreprises, encore faut-il être en mesure de les empêcher de déplacer leur fortune vers des cieux fiscalement plus cléments. C’est pourquoi la question de la lutte contre les paradis fiscaux et celle de l’harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne sont aussi centrales aujourd’hui : si on n’est pas en mesure de progresser plus vite sur ces deux fronts dès les prochaines années, il n’y aura pas de désendettement public en Europe faute de pouvoir mener des politiques acceptables socialement et politiquement pour la majorité de la population. Or quasiment rien n’a été fait sur ce plan depuis 2009 en Europe
Si l’affaire Cahuzac devait au moins servir à ce que les pouvoirs publics français deviennent (enfin) réellement moteurs sur ces sujets en Europe (sans oublier d’être aussi actifs en France), elle n’aura pas été complètement négative…