
Le projet de ferme-usine des Milles-Vaches en Picardie, conçu par un entrepreneur du BTP, continue de diviser. Fermement opposée à ce modèle agro-industriel, Dominique Henry, institutrice et agricultrice à la retraite, a participé le 28 mai aux côtés d’une soixantaine de paysans et de militants, à une action de démontage de la salle de traite. Interpellée, elle a passé plus de 48h en garde à vue et sera jugée, ainsi que quatre autres paysans, le 1er juillet prochain pour dégradation et vol en réunion. Elle témoigne des conditions de sa détention et de ses motivations demeurées intactes. « On est tous citoyens du monde et responsables ! » (...)
Le temps est suspendu.
9H30. Je suis placée en garde à vue. Interrogatoire : qu’est-ce que je faisais là ? Dans quel but ? Comment ? Etc, etc... Une seule réponse : le silence ! L’adjudant tape plein de choses sur son ordi, me réinterroge, retape... Vu mon refus de répondre, les questions se font plus rares.
12H. Je demande si j’ai le droit de manger, ce n’est visiblement pas prévu, j’ai quand même droit à une barquette réchauffée d’une bouillie indéfinissable. Pour les toilettes je suis accompagnée, porte ouverte, super !
13H. Transfert à Abbeville à un train d’enfer avec 3 gendarmes. J’aperçois quelques manifestants à l’arrivée de la gendarmerie, ça réchauffe le cœur. Je ne sais pas combien ont été arrêtés. L’interrogatoire recommence. On me dit que si je ne dis rien la garde à vue va durer. On me laisse mon sac pour l’instant, je peux dessiner entre les questions. Je peux voir mon avocat. Il m’explique que la garde à vue peut durer 24h. Je commence à comprendre que je dois m’armer de patience.
18H. On m’emmène à une confrontation avec un ouvrier du site qui a photographié quatre personnes en action. C’est comme ça qu’ils ont choisi.
19H30. Convocation devant le substitut du procureur qui me reproche dégradation et vol en réunion. Ma garde à vue est prolongée jusqu’à 9h30 le jeudi. On me transfère à Hallencourt pour la nuit. On m’ouvre la porte d’un « cachot » (comment appeler ça autrement ?) où je réalise que je vais devoir passer la nuit. Un sommier en béton, un « matelas » en plastique de 5 cm d’épaisseur, des couvertures de l’armée, un trou au fond pour les besoins (sans chasse d’eau). On me retire toutes mes affaires. On m’explique que je pourrais me suicider ; j’ai beau expliquer que je ne suis pas du tout suicidaire, que j’ai 4 enfants et 6 petits-enfants, rien n’y fait.
Quand la lourde porte se referme sur moi (combien de verrous ? 4 au moins) je suis sous le choc. Je ressens une telle inhumanité. (...)
l’objectif est clair :
– faire passer individuellement les 5 personnes interpellées pour de dangereux illuminés ;
– éviter tout débat démocratique et museler les opposants au projet ;
– orienter l’agriculture vers une industrialisation avec des coûts les plus bas possible. Des campagnes vidées de leurs paysans, sans vaches dans les champs, parsemées de grands bâtiments-usines ! Des scandales sanitaires à répétition, l’eau et le sol irrémédiablement pollués (comme c’est le cas pour les rivières de Franche-Comté). Mais attention : trop de citoyens conscients vivent dans les campagnes pour qu’un tel projet passe. On est bien dans une action collective et pour un enfermé, dix le remplacent.
Que faire ?
– vous pouvez diffuser mon témoignage dans vos réseaux
– adhérez à Novissen, aux amis de la Conf
– vous pouvez envoyer un soutien financier à la Conf pour payer le procès.
Gardez votre liberté de penser et d’agir sans vous laisser influencer par les médias dominants. Il faut s’informer au quotidien dès que l’on consomme. On est tous citoyens du monde et responsables !