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AQUARIUS - Après avoir été rejeté par les autorités italiennes et maltaises, le bateau humanitaire se met en route vers Marseille. Les ONG à bord ont demandé ce lundi aux autorités françaises d’autoriser le débarquement des migrants à son bord.
Article mis en ligne le 24 septembre 2018

L’Aquarius est en route vers Marseille. SOS Méditerranée a déclaré ce lundi 24 septembre lors d’une conférence de presse qu’il demandait l’autorisation à la France de débarquer dans la cité phocéenne à "titre exceptionnel". A son bord, se trouvent 58 migrants, parmi lesquels 17 mineurs, dont la plupart a dû faire face à du "travail forcé et non rémunéré" en Libye, selon un communiqué de l’association SOS Méditerranée.

Le directeur des opérations de l’association, Frédéric Penard, a rappelé que Marseille était le seul "port envisageable", après avoir essuyé le refus de l’Italie et de Malte. Le navire a, par ailleurs, appris ce matin que le Panama allait lui retirer son pavillon.

"Nous avons du mal à imaginer que la France puisse refuser"
"Nous avons alerté d’autres pays, mais nous avons du mal à imaginer que la France puisse refuser, compte tenu de la situation humanitaire", a déclaré Francis Vallat, le président de l’ONG en France. Sans préjuger de la réponse, il a assuré qu’à aucun moment les autorités "ne nous ont dissuadé de monter vers Marseille". (...)

Il faut "environ quatre jours", depuis la position actuelle du navire, pour gagner Marseille, a indiqué Francis Vallat. (...)

Cette annonce a déclenché les réactions des politiques : Jean-Luc Mélenchon, chef de file des Insoumis et député de Marseille, a estimé qu’il était de "notre devoir et notre honneur" de laisser accoster l’Aquarius. Un avis partagé par Benoit Hamon qui réclame également que la France accorde son pavillon au navire humanitaire. (...)

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 L’« Aquarius » dégradé de son pavillon ou le naufrage de l’Europe (...)

Editorial. Le face-à-face qui a opposé le navire des ONG SOS Méditerranée et MSF aux gardes-côtes libyens marque peut-être la fin de sa mission.(...)

Sombre dimanche 23 septembre pour l’Aquarius, le navire affrété par les organisations non gouvernementales SOS Méditerranée et Médecins sans frontières. Dernier bateau humanitaire patrouillant au large des côtes libyennes pour tenter de sauver des réfugiés ou migrants en détresse, l’Aquarius a déjà connu un périple éprouvant en juin, quand le nouveau gouvernement italien puis Malte ont refusé qu’il débarque dans leurs ports les centaines de rescapés qui étaient à son bord, avant que l’Espagne les accueille finalement.
Mais ce dimanche 23 septembre aura été plus sombre encore. L’on peut craindre qu’il ait sonné le glas de l’entreprise dont l’Aquarius est le symbole : assumer concrètement et courageusement le devoir humanitaire élémentaire de sauver des vies et de conduire dans des ports sûrs des hommes, des femmes ou des enfants prêts à tout pour échapper à l’enfer libyen où leur migration les a fait échouer. Rappelons aux indifférents que 1 700 personnes sont déjà mortes en Méditerranée centrale depuis le début de l’année. (...)

Avant le lever du jour, ce dimanche, c’est un face-à-face tendu, en pleine mer, qui a opposé les gardes-côtes libyens et le navire humanitaire. Ce dernier ayant repéré une embarcation en détresse et commencé le sauvetage des 47 personnes – pour la plupart des Libyens fuyant leur pays en plein chaos –, les gardes-côtes de Tripoli, menaçants, lui ont donné l’ordre de ne pas intervenir. S’ils ont finalement renoncé à empêcher ce sauvetage, ils ont clairement prévenu que la coopération précaire qui subsistait au large de la Libye est révolue. (...)

Ce long dimanche de septembre s’est terminé avec la dégradation suprême pour un capitaine : perdre son pavillon. Il y avait déjà eu un Aquarius 1 lâché par Gibraltar. Désormais c’est Panama qui refuse l’immatriculation de l’Aquarius 2. En lui retirant pour la deuxième fois son pavillon, on retire donc aux citoyens européens le droit de s’ériger contre une politique qui fait passer les intérêts nationaux ou continentaux avant la vie humaine. (...)

Depuis son premier voyage, en février 2016, l’Aquarius a recueilli à son bord 29 523 personnes, rappelant sans cesse que chaque vie mérite d’être sauvée. L’Aquarius est aussi le précieux témoin du vécu des migrants. A son bord, les femmes africaines ont raconté les viols commis en Libye, les hommes ont montré les cicatrices des coups reçus dans les geôles.

Mais ce discours-là, ce devoir-là, cet honneur-là ne sont plus d’actualité. Le vent a tourné. Sous la pression d’opinions publiques chauffées à blanc par les discours xénophobes, l’Europe a chargé la Libye de jouer à nouveau le rôle de barrage aux migrants qu’elle assumait sans sourciller avant de basculer dans la guerre civile en 2011.(...)

Peu importe que, la semaine dernière encore, des règlements de comptes entre factions aient fait des dizaines, voire des centaines de morts à Tripoli. Peu importe qu’un sinistre marché aux esclaves y eût été filmé il y a quelques mois.

L’Aquarius était la mauvaise conscience de l’Europe, incapable de se mettre d’accord sur une stratégie collective pour faire face au drame humanitaire en Méditerranée. L’Aquarius empêché et désarmé, les responsables européens pourront mieux feindre d’oublier les indésirables qui se noient à proximité de leurs côtes. C’est indigne.

 A bord de l’« Aquarius », un accrochage sévère avec les gardes-côtes libyens
(...) Les ingrédients du conflit sont jetés sur l’eau comme le sel sur une plaie ouverte. D’un côté, des humanitaires qui considèrent qu’il est de leur devoir de sécuriser au plus vite des personnes en détresse. De l’autre, des gardes-côtes à qui l’on demande de freiner les départs de migrants, à grand renfort de deniers européens. Depuis des mois, la montée en puissance des gardes-côtes libyens prépare ce goulot d’étranglement parfait. Alors que l’Europe se déchire sur l’accueil des migrants et que l’Italie a décidé de fermer ses ports, ils sont devenus les premiers acteurs en nombre d’interceptions de migrants en Méditerranée centrale.

La reconnaissance par l’Organisation maritime internationale, en juin, de leur compétence en matière de coordination des secours dans les eaux internationales au large de la Libye, en fait des interlocuteurs désormais incontournables pour quiconque voudrait agir ici. Alors même que le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies considère que le pays n’est pas un lieu sûr pour débarquer des personnes secourues en raison des « graves maltraitances » qu’elles y risquent. En outre, depuis plusieurs semaines, la capitale, Tripoli, est en proie à des affrontements armés entre milices et groupes armés, qui ont déjà fait plus de cent morts. Dimanche, ce sont majoritairement des Libyens fuyant leur pays qui se trouvaient à bord du petit bateau de bois. (...)