
L’anthropologue Nastassja Martin, autrice de "Croire aux fauves" revient avec un livre sur les Even. Ces éleveurs de rennes du Kamtchatka sédentarisés, dont un collectif a décidé de regagner la forêt pour renouer avec leur manière d’être au monde, en lien avec les animaux et les végétaux.

Les Even, qui sont au cœur de son dernier livre, sont au départ des éleveurs de rennes nomades, qui ont été sédentarisés dans des fermes collectives (kolkhozes) sous les soviétiques dans le Kamtchatka. Un peu avant la chute de l’URSS, en 1989, une famille Even décide de regagner la forêt, à 400 km de toute piste carrossable dans la région d’Icha, dans l’est du Kamtchatka sous le volcan Itchinski, pour recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette.
Ce retour au mode de vie primaire est une façon pour eux de résister à l’ordre extractiviste et à la prédation productiviste afin de vivre leur animisme de la manière la plus cohérente possible. Aux avant-postes de la crise climatique, ils déploient des manières d’être au monde en lien avec les animaux, les végétaux et les éléments qui pourraient nous amener à nous questionner sur notre monde moderne.
Dans "À l’Est des rêves", l’anthropologue Nastassja Martin propose à la fois des passages d’analyses anthropologiques, mêlant des références de chercheurs et d’écrivains, mais également le recueil de discussions qu’elle a eues avec certains de ces Even partis dans la forêt. Et notamment avec Daria, qu’elle questionne sur les rêves longuement, sur son histoire de vie, sur ses savoirs et pratiques animistes. Une exploration qu’elle a faite entre 2014 et 2020. (...)
Il est urgent de cultiver d’autres rapports au monde"
Se reconnecter à l’ensemble des êtres vivants par des pratiques plus naturelles : repenser le vivant
L’ouvrage pointe des perspectives sur d’autres rapports au monde, pouvant nous rendre plus réflexifs pour faire face à la crise écologique. (...)
"Je ne pense pas qu’une transition pourra avoir lieu s’il n’y a pas de transformations profondes de nos manières d’être au monde en amont. Ces rapports au vivant, il faut absolument les pluraliser pour interroger notre propre modèle d’évolution, réinterroger notre conception de la modernité, il nous faut nous métamorphoser profondément parce que sinon on va droit dans le mur. Si on ne fait pas ce travail pluridimensionnel anthropologique, philosophique, métaphysique, je ne vois pas trop comment on va s’en sortir. (...) "
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Ethnographies des mondes à venir : comment penser de nouvelles organisations sociales ?
(...) En puisant son inspiration dans les données anthropologiques, les luttes territoriales et les combats autochtones, le livre Ethnographies des mondes à venir (Seuil Ed.) esquisse la perspective d’une société hybride qui verrait s’articuler des structures étatiques et des territoires autonomes dans un foisonnement hétérogène de modes d’organisation sociale, de manières d’habiter et de cohabiter.
De chapitre en chapitre, les concepts de naturalisme, d’évolutionnisme, de symétrisation sont définis et discutés et les ontologies étudiées par Philippe Descola servent de supports pour analyser notre rapport moderne aux non-humains. Alessandro Pignocchi définit cet ouvrage comme le chainon manquant entre le travail de Baptiste Morizot et celui de Frédéric Lordon, conscient de l’importance croissante des sensibilités à l’égard des non-vivants et également d’une nécessaire refondation des organisations sociales et politiques.
C’est dans l’ethnographie et l’anthropologie que Alessandro Pignocchi puise les données lui permettant d’avancer que, dans l’histoire de l’humanité, ce sont les structures sociétales de types territoires autonomes qui sont davantage représentées. (...)