
Tout ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui pouvait l’être sans décréter l’état d’urgence, que ce soit les perquisitions de jour ou de nuit, les assignations, les expulsions d’imams dangereux... C’est un problème de moyens : on a peu de juges en France et on ne renouvelle pas les postes, du coup tout ça prend plus du temps. Et du coup, on estime qu’il faut s’en passer pour aller plus vite encore !
(...) Mais j’estime qu’on avait encore un minimum de justice dans notre pays jusqu’au 13 novembre. Depuis, on a atteint quasiment 500 perquisitions en quatre jours. Qu’est-ce que ça veut dire ? Soit qu’on n’a absolument rien fait depuis le mois de janvier. Soit que, depuis quelques jours, on fait n’importe quoi et que les perquisitions ne concernent pas seulement le terrorisme. Et ça, malheureusement, on sait que c’est un risque. C’est très inquiétant. Depuis vendredi soir, les services de renseignement peuvent pêcher au chalut, en eau profonde, avec des filets très larges. Et avec des innocents, forcément, au milieu. Mais il faut croire que tout le monde s’en fout. (...)
De surcroit, la loi introduit de nouvelles possibilités, notamment dans le domaine de l’Internet et du numérique. Prenons l’association La Quadrature du Net, qui s’est souvent illustrée dans la défense des libertés fondamentales. Comme ils font la promotion de la cryptographie, ils peuvent être perquisitionnés demain, en l’absence de juges. (...)
au lieu de mettre l’émotion de côté, on tombe dans la démagogie en jouant la peur contre la peur.
Le gouvernement avait tout en main pour réagir dans l’immédiateté et rassurer les Français, sans prolonger l’état d’urgence. On n’est même pas encore dans la limite des douze jours. Il faut garder la tête froide, on ne peut pas légiférer dans l’urgence, François Hollande lui-même qui l’a dit. Là, on apprend qu’on va armer les policiers municipaux, sans aucune réflexion en amont, aucune étude d’impact – combien cela va-t-il coûter, est-ce efficace, qui l’a fait ailleurs ? Rien. (...)
je n’ai pas un seul exemple historique à vous donner de situation où on a voté ce genre de pouvoirs à la police et gendarmerie et où ça finit bien. Pas un seul exemple positif dans toute l’histoire de l’humanité !
Ne peut-on pas en tirer les leçons ? C’est honteux. Moi, j’ai honte pour mes collègues. On nous accuse d’être irresponsable parce qu’on n’a pas voté l’état d’urgence, mais ce sont eux, les irresponsables. Je suis atterré par ce que j’ai entendu ces derniers jours à l’Assemblée nationale. J’ai eu l’impression de vivre des jours totalement surréalistes. (...)
On sait que ce sont des mécènes des pays du Golfe qui financent Daech. Et nous, on continuerait à accueillir sur notre sol les Émirats, le Qatar, l’Arabie saoudite, parce qu’ils ont de l’argent, dans le cadre de relations commerciales et militaires ? Tout en détournant notre regard du financement de Daech ? La Suède a arrêté sa coopération militaire avec l’Arabie saoudite au mois de mars. Et nous, on fait quoi ? J’attends une réponse claire du président de la République à ce sujet. (...)
On se doit d’être honnêtes avec les gens : contre les kamikazes, on ne peut rien faire, par contre, on peut se battre collectivement pour empêcher les kamikazes d’acheter des armes. Ce n’est pas utopique de dire ça. Ce n’est même pas être pacifique, c’est juste être réaliste.