
Le navire humanitaire fait route vers la Méditerranée centrale, sans aucune visibilité sur les ports dans lesquels il pourra débarquer les personnes secourues.
L’Aquarius a progressé dimanche 16 septembre dans une mer de velours, après avoir quitté Marseille la veille et mis le cap sur la Méditerranée centrale. En début de soirée, le navire humanitaire des ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) a allumé un troisième moteur pour faire route à 10,8 nœuds. Plus tôt dans la journée, signe que les tentatives de traversée se poursuivent, une embarcation en détresse a été repérée au large des côtes libyennes, avec à son bord une centaine de personnes, d’après l’ONG Pilotes Volontaires, qui réalise une mission de surveillance aérienne.
Deux jours supplémentaires de navigation devraient être nécessaires pour atteindre la zone de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Un long périple rendu obligatoire depuis que l’Italie a fermé ses ports aux ONG cet été, sous l’impulsion de son ministre de l’intérieur Matteo Salvini, et que l’Aquarius a renoncé à son traditionnel port d’attache en Sicile. Le bateau s’était également vu refuser pendant l’été une escale technique par Malte et s’est donc rapproché de Marseille.
Dans un contexte de crispation européenne, les opérations humanitaires ont été largement remises en question ces derniers mois. Plusieurs navires sont toujours bloqués à quai à Malte, tandis que l’ONG espagnole Proactiva a renoncé à patrouiller au large de la Libye. Actuellement, aucun navire d’ONG n’est donc présent dans cette zone. Pendant ce temps, même si les départs n’ont jamais été aussi bas depuis quatre ans, le taux de mortalité sur la route de la Méditerranée centrale est en forte hausse en 2018, d’après le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations Unies. (...)
« Tout l’été, nous avons avancé au cas par cas, poursuit Laura Garel. Sans avoir aucune visibilité sur les ports dans lesquels nous pourrions débarquer les personnes secourues, comme si le cadre légal avait été mis de côté ».
L’Aquarius doit aussi composer avec la montée en puissance des gardes-côtes libyens. (...)
« Depuis fin juin, l’organisation maritime internationale a reconnu officiellement la compétence de la Libye en matière de coordination des opérations de recherche et de sauvetage [dans les eaux internationales] au large du pays », souligne Laura Garel. Le 10 août, au cours de sa précédente mission, l’Aquarius a donc pris attache avec les autorités de Tripoli après avoir repéré deux embarcations en détresse. « Nous n’avons pas eu de retour dans un premier temps, narre Laura Garel. Finalement, les Libyens ont assumé la coordination des secours mais nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas nous procurer un port sûr pour débarquer les personnes. Après cela, l’Italie et Malte ont refusé de nous accueillir. Au terme de quatre jours d’attente, nous avons finalement pu nous rendre à Malte ».
Dans cet environnement incertain, SOS Méditerranée et MSF tentent de réaffirmer leur cadre d’intervention : « Si nous avons des raisons de penser qu’une embarcation fait face à un danger imminent, nous porterons secours aux personnes sans délai, expliquaient les deux ONG dans un communiqué cet été. S’il nous est demandé de débarquer des gens en Libye ou de les transférer sur un bateau des gardes-côtes libyens, nous nous y opposerons fermement dans la mesure où la Libye, actuellement, ne peut pas être considérée comme un lieu sûr, selon les conventions maritimes internationales ». (....)