
Longtemps les résistances ouvrières à la première mécanisation ont été perçues comme étrangement passéistes, à contre-courant d’un siècle des Lumières qui faisait du « progrès » son mot d’ordre...
selon Wikipedia : Le terme trouve son origine dans le nom d’un ouvrier anglais, John ou Ned Ludd (parfois appelé « Captain Ludd », « King Ludd » ou « General Ludd »), qui aurait détruit deux métiers à tisser en 1780. On ignore en fait s’il a véritablement existé. Mais des lettres signées de ce nom ont été envoyées en 1811, menaçant les patrons de l’industrie textile de sabotage. Ned Ludd est devenu le leader imaginaire d’un grand mouvement, dans un contexte où un leader déclaré serait tombé rapidement, victime de la répression.
...le rapport à la machine est une construction sociale historiquement datée, et les bris de machines survenus à l’époque de la première industrialisation relèvent d’un répertoire de l’action collective dont il est possible de reconstituer les motifs et les ressorts, puis les évolutions, au contact d’autres représentations du machinisme. D’où une construction efficace en trois séquences : d’abord une analyse des chemins de l’industrialisation, chrono-thématique, selon les branches et les métiers ; puis l’étude des formes de l’action collective ouvrière ; enfin, l’examen des réactions et représentations opposées parmi les élites, les autorités, les différents courants de pensée du premier XIXe siècle.
Ce livre est donc un remarquable exemple d’histoire sociale totale comme on aimerait en lire plus souvent...
...La question est bien moins celle de l’intrusion de la machine en elle-même, que tout ce que celle-ci entraîne en termes d’emploi, bien sûr, mais aussi en termes d’organisation et de rémunération du travail...
...Au-delà de l’emploi, les briseurs de machines invoquent aussi la défense de la qualité de la production et le sens de « la belle ouvrage ». ...
...La concentration usinière signifie le passage sous la coupe d’un contremaître et la perte de l’autonomie dans l’organisation du travail. ...
...ce n’est pas tant à la mécanisation qu’à la mutation d’ensemble de la structure productive, avec l’emprise croissante d’un nombre réduit de puissants manufacturiers, que s’opposent les ouvriers luddites, dans un effort désespéré pour préserver une marge d’autonomie et de négociation. Car en même temps, la nouvelle organisation de la production signifie une redéfinition des modalités de la rémunération : tout le système tarifaire est refondu, sur une base inédite, et dans un rapport de forces défavorable à la main-d’œuvre. Les bris de machine sont bien ici une forme de négociation salariale (« par l’émeute », comme l’avait senti Eric Hobsbawm). ...
...s’il y a une leçon à retenir du luddisme, c’est que, à rebours de toute idée d’une neutralité absolue, la machine est inséparable des conditions d’usage qu’elle dicte en grande partie....