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A Saint-Nazaire, les grévistes prêts à « aller jusqu’au bout » contre la loi travail
Article mis en ligne le 24 mai 2016

Les huit raffineries françaises sont désormais en grève. Plusieurs dépôts de carburants sont bloqués. A Donges, près de Saint-Nazaire, où se ravitaillent une bonne partie des stations du grand ouest, le blocage dure depuis une semaine. Posé à la croisée de deux routes qui desservent la raffinerie, le terminal charbonnier, le port et d’autres terminaux industriels, le piquet de grève rassemble des dockers, des salariés de Total ou de la chimie, des sous-traitants, des intérimaires... Présents jours et nuits, ils affichent une détermination sans faille contre une loi qui, selon eux, va tirer tout le monde vers le bas, menaçant l’avenir de leurs enfants. Reportage sur place, alors que les forces de l’ordre menacent d’évacuer les grévistes et leurs soutiens.

« Plus d’autre choix que de bloquer l’économie »

Au blocage du dépôt, qui dure depuis une semaine, s’est ajouté depuis le 20 mai l’arrêt de la raffinerie du groupe Total où, selon la CGT, 90 % des 800 salariés sont en grève. On compte aussi des grévistes parmi les 800 sous-traitants qui assurent la maintenance au sein de la raffinerie. « Il faut plusieurs jours pour arrêter une raffinerie sans prendre de risques, explique François, salarié de Total [2]. Nous sommes obligés d’abaisser la température des fours par pallier, pour ne pas endommager le matériel. » Pour le redémarrage, il faudra compter au moins trois jours. « Et trois jours encore pour avoir à nouveau du carburant prêt à l’emploi », précise un autre employé. Voté pour une semaine, l’arrêt total pourrait être reconduit. « De combien va être amputé notre salaire avec ces jours de grève ? Nous n’avons pas compté, mais la fin du mois sera difficile, c’est évident », confie Jules, sous-traitant sur les chantiers navals. (...)

Les dockers, présents en nombre vers 4h du matin alors que courraient des menaces d’intervention policière, reviennent de leur assemblée générale. Ils ont décidé de reprendre partiellement le boulot, quelques heures par jour, après d’être arrêtés en fin de semaine dernière. Pas une cale n’a été déchargée ce week-end. Une dizaine de bateaux chargés de soja, de taules ou de bobines de fer attendent dans la rade. Aucun biocarburant ne sera produit cette semaine à Donges. Une bonne partie des salariés de Saipol-diester (groupe Avril) ont aussi cessé le travail. « Nous n’avons plus d’autre choix que celui de bloquer l’économie. Manifester, cela ne marche pas. Faire grève non plus », regrette Sabine, auxiliaire de puériculture dans une crèche publique, syndiquée à la CGT, et venue en soutien. De nombreux occupants partagent son avis.
« Je suis là pour défendre le droit de ne pas perdre sa vie au travail »

« Cela fait une semaine que nous sommes là, de jour comme de nuit », raconte Sabine. « Il y a toujours de quoi manger, ou boire un petit café. Nous vivons une vraie solidarité. Cela nous rend plus forts, et plus déterminés. Plus ils serrent la vis, plus on est déterminés et furax. » Si la CGT est présente en force, tous les participants au piquet de grève n’ont pas forcément leur carte syndicale. (...)

« Ils vont tirer tout le monde vers le bas : c’est le modèle grec »

« Avec les accords d’entreprise, si un syndicat, même minoritaire, accepte des conditions de travail au rabais, nous sommes bons pour tous affaiblir nos conditions de travail, proteste Hervé, salarié chez Saipol-diester. Si la direction n’obtient pas d’accord, il y aura un référendum. Nous savons bien ce qu’est un référendum en entreprise : c’est du chantage à l’emploi fait aux salariés, point. » « Tout est fait pour passer outre les syndicats », ajoute l’un de ses collègues. Autre sujet d’inquiétude : la facilitation des licenciements. « On invente le CDI précarisé, lâche Hervé. Le CDD deviendra – chose incroyable – plus sûr ! Du coup, il y en aura moins c’est clair. Mais qui pourra signer un prêt bancaire avec un CDI devenu précaire ? Personne ! » (...)

Réunis par petits groupes, au coin du feu, ou accoudés au zinc de fortune où l’on sert de la bière et du café, les travailleurs s’inquiètent pour leurs enfants. Auront-ils la possibilité de travailler dignement ? Sans craindre à chaque instant de se faire virer ? Pourront-ils envisager des projets ? Ou simplement prendre des vacances ? « Nous sommes aussi là pour eux », dit Hervé, très préoccupé par les effets à plus long terme de la loi. « En cassant le droit du travail, ils vont tirer tout le monde vers le bas : c’est le modèle grec. Il n’y a pas que les salariés qui vont être touchés. Des tas de petits patrons et d’artisans seront impactés : les petits commerçants, ceux qui tiennent des restaurants ouvriers, les boulangers... toute cette activité alimentée par les revenus des salariés comme nous, que va-t-elle devenir quand tout le monde sera précarisé ? »
« Il y a un vaste mouvement social, et c’est le moment de le rejoindre »

« Les gens n’osent pas tous se mettre en grève et manifester. Mais beaucoup ont peur de ce que prépare cette loi, estime Patrick. Contrairement à ce que l’on entend en boucle dans les médias, les gens ne sont pas si énervés que ça par les blocages ! Quand nous avons bloqué les routes la semaine dernière, en distribuant des tracts aux automobilistes, beaucoup nous encourageaient. Plusieurs nous ont dit : s’il n’y a plus d’essence, on n’ira plus au boulot. Point. Rappelons qu’il suffit que le gouvernement retire la loi pour que nous arrêtions immédiatement de bloquer. »

Ce 24 mai, ce sera au tour des chantiers navals de se mettre en grève. (...)