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Mediapart
À Nantes, quatre étudiantes qui manifestaient accusent la police de violences sexuelles
#greves #manifestations #retraites #repression #violencespolicieres
Article mis en ligne le 19 mars 2023
dernière modification le 18 mars 2023

« Au moment où les policiers ont ouvert la nasse, j’ai vu une étudiante sortir en pleurs, raconte Jeanne*, une militante. Mais je n’ai su que plus tard qu’elle avait subi une fouille approfondie. » Mardi 14 mars, vers 10 h 30, Jeanne, appelée par des camarades, a rejoint le chemin de halage des bords de l’Erdre, à Nantes. « Les étudiants revenaient de la rocade nord, où ils avaient tenu un barrage filtrant, poursuit-elle. Ils étaient regroupés de manière très dense contre un mur. Un cordon très serré de policiers, harnachés en tenue de Robocop, essayait de masquer ce qui pouvait se passer. J’ai vu un camion partir avec l’un d’eux. Et ensuite j’ai vu l’opération de fouille, de loin. »

(...) Dans les rangs militants, depuis mardi, c’est la sidération. « Lorsqu’ils sont sortis de la nasse, les étudiants sont allés faire une AG à la fac, poursuit Jeanne, puis on les a retrouvés devant le commissariat pour demander la libération de l’étudiant interpellé. C’est lors de ce rassemblement que j’ai su comment s’était déroulée la fouille. Je leur ai dit que c’était illégal, et qu’il fallait déposer plainte. » (...)

« L’émotion de ma cliente est considérable, explique Me Anne Bouillon, avocate d’une des quatre étudiantes. J’ai reçu une jeune femme profondément impactée, perturbée par ce qu’elle venait de vivre. Elle a subi une fouille sur le corps, sur les parties intimes, de la part d’une policière. Elle vit les choses sur le registre de l’agression intime. L’objectif premier était a minima d’humilier, et d’impressionner. Les gestes décrits sont inexplicables, et on ne peut en aucun cas les rattacher à une opération de contrôle. Comment est-ce qu’en manifestant calmement on peut être amenée à subir une fouille de cette nature-là ? C’est extrêmement grave. »

« Mes clientes dénoncent les gestes de palpation qu’elles ont subis dans le cadre de ce contrôle, commente Me Aurélie Rolland, qui défend deux autres étudiantes. Les faits que les jeunes filles décrivent, des palpations avec les mains à l’intérieur des sous-vêtements, m’apparaissent hallucinants. Ils s’accompagnent de propos inadaptés, insultants, humiliants, dans un contexte de grande tension. » (...)

Les propos dégradants tenus par la police aux étudiantes indignent les milieux militants : « Faut que je fouille dans ta culotte, t’es sale, ça me dégoute, tu sens mauvais », « Je vais te fouiller dans la chatte ».

Joint par Mediapart, Hugo, le manifestant interpellé, membre de Solidaires Étudiant·es, décrit le traquenard policier. (...)

« On a formé un bloc compact bras dessus, bras dessous, et ils ont commencé à nous tirer dans tous les sens, poursuit Hugo. Les gens se faisaient arracher du groupe, mettre par terre, tirer sur le sol. Des camarades se sont fait tirer les cheveux sur plusieurs mètres. On a eu des coups dans le ventre, sur les parties génitales, des placages. Ils ont tiré une quinzaine de personnes comme ça, puis ça a été mon tour. Je n’étais pas serein, donc je me suis débattu. Je me suis pris des coups de pied sur la tête, et les policiers m’ont fait une clé de bras. »

« Celui-là, on l’embarque », annonce un policier. Hugo est menotté et embarqué vers le commissariat, et placé en garde à vue. Il est mis en cause pour des faits de « violence contre dépositaire de l’autorité publique », parce qu’il s’est débattu, pour « port d’arme » parce que la police a trouvé un cutter dans son sac avec ses affaires de peinture, pour « entrave à la sécurité publique » et enfin pour « rébellion ».

À la fac, après l’annonce des violences subies par les étudiantes et l’arrestation d’Hugo, une assemblée générale décide du blocus immédiat de l’établissement et de partir en manif « à Waldeck-Rousseau ». Hugo est déféré au parquet le lendemain. Il refuse la comparution immédiate et devra comparaître le 8 juin. En attendant, il est interdit de manifestation à Nantes et placé sous contrôle judiciaire. (...)