
Le 5 novembre à Marseille, deux immeubles se sont effondrés dans le quartier populaire de Noailles, tuant huit personnes. Sur place, médias, associations et collectifs d’habitants dénoncent une situation connue de longue date, résultat d’une « stratégie de pourrissement » délibérée de la part de la mairie. Les opérations d’aménagement qui s’enchaînent dans le centre-ville s’accompagnent d’une éviction progressive des milieux populaires au profit de populations plus aisées. Exposant cette politique et ses effets délétères au grand jour, le drame de la rue d’Aubagne est également en train de catalyser un puissant mouvement d’opposition local.
(...) « Les victimes sont à l’image de la population diverse du quartier », affirme Kévin Vacher, un doctorant en sociologie proche de la France insoumise, lors d’un hommage citoyen rendu un mois après l’effondrement. Il est l’un des cofondateurs du « collectif du 5 novembre : Noailles en colère » qui se bat pour que justice soit faite et pour que les droits des habitants évacués soient respectés. Ceux de la rue d’Aubagne et des rues adjacentes, mais aussi ceux des autres quartiers. Craignant une nouvelle catastrophe, la mairie de Marseille a fait évacuer dans la panique un peu plus de 1500 personnes de leurs logements [2]. Une majorité n’ont pas reçu d’arrêté de péril. Ce qui empêche les habitants de faire reconnaître leur sinistre auprès des assurances.
Un mépris qui transforme le deuil en colère (...)
. Les services de la mairie semblent insuffisants et dépassés. La solidarité des citoyens et des associations permet tant bien que mal de « pallier la déficience de la préfecture et des politiques », juge Maël.
Cette situation exceptionnelle a levé le voile sur l’habitat indigne à Marseille – insalubre ou en état de péril. Publié en 2015, le rapport de Christian Nicol, Inspecteur général de l’administration, précisait que 13 % des résidences marseillaises étaient concernées. Soit 40 000 logements et un marseillais sur huit, 100 000 personnes en tout, principalement dans « le centre ancien et les quartiers Nord ». (...)
Passé le choc, les Marseillais ont été plus de 10 000, de tous âges, de toutes origines ethniques et catégories sociales, à descendre par trois fois dans la rue : les 10 et 14 novembre, puis le 1er décembre. Ils étaient également nombreux dans une quatrième manifestation qui a convergé avec la marche pour le climat ce samedi 8 décembre. À chaque fois, ils ont dénoncé une « incurie de la mairie » et réclamé la démission du maire aux cris de « Gaudin assassin ! Gaudin démission ! ». En réponse, dans le déni et le mépris, l’attitude de la majorité (LR) a profondément choqué. Deux heures seulement après la marche blanche du 10 novembre, les drapeaux au fronton de la mairie n’étaient plus en berne comme l’a constaté Jean-Marie Leforestier, journaliste au site local Marsactu. Pire, Le 14 novembre, les lacrymos, envoyées dès que les manifestants sont arrivés devant la mairie, ont empêché les proches des victimes de s’exprimer publiquement. (...)
« L’humanité, on ne l’a même pas eue ! La seule chose qu’ils savent faire, c’est nous envoyer la police » (...)
Un délabrement connu depuis longtemps
La situation des immeubles de la rue d’Aubagne étaient connue depuis longtemps. Le 63 avait reçu un arrêté de péril imminent en 2008, toujours valable dix ans plus tard. Le bâtiment, propriété de Marseille habitat – le bailleur social de la ville – par expropriation depuis avril 2017, était « un squelette vide », selon La Marseillaise. Les planchers et une partie de la toiture du bâtiment muré étaient tombés depuis un moment. Une semaine après l’effondrement, Le Monde et La Marseillaise ont également révélé des documents d’expertise alertant sérieusement les pouvoirs publics sur le danger du 65. Le plus ancien date de 2014.