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La Croix
À Marseille, les délogés de la rue d’Aubagne se sentent abandonnés
Article mis en ligne le 25 avril 2019

En novembre 2018, l’effondrement de deux immeubles causait la mort de huit personnes. Rongée par l’habitat insalubre, Marseille a dû évacuer des milliers d’habitants, dont certains attendent toujours d’être relogés dignement.

(...) 1 700 signalements d’immeubles suspects

Dans les jours qui suivent les effondrements, la ville est ainsi saisie de panique. « Nous avons dû gérer plus de 1 700 signalements d’immeubles suspects. Quelle ville aurait été préparée à un drame de cette ampleur ? », interroge Xavier Mery, adjoint au maire de Marseille Jean-Claude Gaudin (Les Républicains) et délégué à l’habitat indigne au sein d’Aix-Marseille-Provence Métropole. Plus de trois cents immeubles sont vidés de leurs habitants, réclamant des travaux d’urgence de leurs propriétaires. (...)

« Pendant ce temps, on galère », souffle Sara. Près du Vieux-Port, la mairie a ouvert un espace d’accueil pour faciliter les démarches administratives. Pourtant, depuis bientôt six mois, les sinistrés dénoncent l’incompétence et le chaos de leur prise en charge. « On constate des dysfonctionnements majeurs. Il y a des gens à qui l’ont dit de rentrer parce que le péril imminent est levé. Si le plafond menaçait, on a fait tomber le plafond ! Mais l’appartement reste insalubre et donc inhabitable », s’indigne Florent Houdmon, délégué régional de la Fondation Abbé-Pierre. Marie Batoux, habitante de Noailles, évacuée depuis des semaines du logement dont elle est propriétaire, et membre du collectif « 5 Novembre : Noailles en colère », confirme, exaspérée : « Je ne compte plus les appels surréalistes de personnes qui à chaque fois ont l’air de découvrir notre dossier. La mairie n’arrive pas à faire face. »
La mairie se défend de toute incurie

Sur les 2 500 personnes délogées au pic des évacuations, combien sont encore en attente d’un relogement ? Les chiffres restent imprécis. « Moins d’un millier, réparties dans 32 hôtels », assure Arlette Fructus, adjointe chargée du logement. Le ministre du logement Julien Denormandie avance une fourchette « entre 1 000 et 1 400 ».

Le drame se double d’une crise politique profonde. Plusieurs appartements indignes appartiennent en effet à des élus LR des majorités municipale, départementale et régionale. D’où un élan citoyen inédit, qui s’est traduit par la création de plusieurs collectifs et d’imposantes manifestations réclamant la démission de Jean-Claude Gaudin. (...)

Le centre-ville marseillais est désormais hérissé de gros blocs de béton barrant un trottoir ou une rue, devant des bâtiments en attente de diagnostic. La Métropole promet par la voix de Xavier Méry « un Plan particulier d’aménagement » sur 1 000 hectares, à 600 millions d’euros, par lequel métropole, ville et État entendent traiter 10 000 logements indignes d’ici à 10 ans. En attendant, il faut gérer la crise qui voit, encore, des évacuations se succéder.
Un sentiment d’humiliation

« L’état des délogés est déplorable, physiquement et psychologiquement », argue Jean-Régis Rooijackers, de Médecins du monde. (...)

« Un traumatisme qui dure. » Les enfants, notamment, en sont les premières victimes. « Ils n’ont plus de chez eux, plus d’intime, plus de jouets… », relève, inquiète, Ingrid une enseignante de maternelle. Depuis six mois, elle note l’augmentation des cas « de mal-être, d’agressivité ou de repli sur soi » chez les tout-petits. (...)

Une longue enquête

Trois juges d’instruction pilotent l’information judiciaire ouverte contre X le 27 novembre 2018 par le parquet de Marseille pour « homicides et blessures involontaires aggravés par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » et pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

L’enquête doit notamment déterminer lequel des deux immeubles – du n° 63 (propriété d’une société d’économie mixte de la Ville de Marseille) ou n° 65 (appartenant à des bailleurs privés) a entraîné l’autre dans sa chute.

En décembre 2018, des experts ont mentionné la possible présence d’eau dans les caves des deux bâtiments contigus, sans plus s’avancer sur son origine. Les investigations vont durer plusieurs années.

La Fondation Abbé-Pierre s’est portée partie civile. (...)