
Chercheur en sciences sociales, Mathieu Rigouste est l’auteur de « L’Ennemi intérieur », un ouvrage très documenté issu de sa thèse, dans lequel il met en valeur le substrat idéologique des réponses politiques aux dites « violences urbaines ». ...
...La bataille de Grenoble, comme celle de Villiers-le-Bel et comme chaque « opération intérieure », est l’occasion d’expérimenter des nouvelles techniques et de présenter aux marchés internationaux de la sécurité, les nouveaux dispositifs tactiques français.
Chaque opération intérieure est une vitrine, un laboratoire, un rouage sur la chaine de production du contrôle. Ce n’est pas propre aux banlieues, on exporte aussi des techniques de contrôle des « militants révolutionnaires », des « clandestins », des « prisonniers »…
...La répression n’est que la partie émergée de la pacification en zone urbaine. Il existe en amont toute une série de dispositifs visant à policer la vie sociale des pauvres. C’est l’un des axes principaux de la plupart des réflexions sur le sujet dans les revues et les instituts de défense et de sécurité : « la coopération police-population », « la médiation socio-culturelle », les « polices de proximité », « la rénovation urbaine », « la gouvernance locale »…
Tous ces domaines sont envisagés par les « stratèges » de la police, de l’armée et du gouvernement, comme des moyens de perfectionner mais aussi de préparer et de faciliter la « sécurisation », c’est-à-dire la surveillance, le contrôle et la répression. ...
...L’« islamiste » ou « le casseur » sont des réglages de l’appareil répressif, des « marionnettes ». Comme pour toute opération, il faut communiquer, désigner l’ennemi, encore plus lorsqu’il s’agit de légitimer auprès de la population une opération intérieure menée dans la population.
Lorsqu’on monte des opérations intérieures il faut des ennemis intérieurs crédibles parce qu’il s’agit d’amener la population à accepter, soutenir voire participer à la purge publique. ...
...Désigner ceux qui viennent d’ailleurs comme des impurs, responsables de tous les maux que génère la société est un invariant partout où l’on trouve des Etats, des proto-Etats, une hiérarchie sociale, un groupe ou une classe dominante. ...
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