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Reporterre
À Dijon, une zad pour préserver un îlot de nature en ville
Article mis en ligne le 23 septembre 2020

Investis le 17 juin dernier par des habitants et des militants écolos, les trois hectares du jardin de l’Engrenage échappent encore aux engins de chantier et à la construction de 330 logements. Les défenseurs du lieu vantent cet espace naturel prisé des insectes, dernier havre vert d’un quartier très construit.

« Semer pour ne plus étouffer » : ces mots se dessinent sur une banderole, étendue à l’entrée d’un ancien terrain en friche. Les badauds l’aperçoivent à pied, en tramway ou en voiture, quand ils passent devant le 63, avenue de Langres, à Dijon. C’est ici qu’est née la zad des jardins de l’Engrenage où, depuis le 17 juin et les mobilisations nationales contre la « réintoxication du monde », des Dijonnais occupent trois hectares de terres, qu’ils ont transformés en jardin partagé. Un petit écrin de biodiversité urbaine niché entre une avenue très fréquentée, des immeubles et des pavillons, à quelques centaines de mètres du centre commercial de la Toison-d’Or et d’un parc d’activités de 34 hectares. Là, des papillons — vulcains, azurés des nerpruns ou encore moro-sphinx —, des libellules et des abeilles battent des ailes entre des plants de tomates, des haricots, des courges, des salades, des tournesols et un figuier.

« Non au chantier Garden-State, oui à la nature avenue de Langres », ont écrit les occupants sur une pancarte en bois pendue à un tilleul. Car la mairie et l’entreprise immobilière Ghitti ont un autre dessein pour ces terres : ils souhaitent ériger 330 logements. (...)

Le promoteur affirme que « la quasi totalité des toitures et terrasses étanchées seront recouvertes de terre végétale pour permettre à de l’herbe, des fleurs mellifères mais aussi de vrais arbres de pousser ». « Pas juste une fine couche de terre », précise Ghitti. (...)

« Nous dénonçons un chantier anti-écologique, qui sous couvert d’un projet d’architecture “vert” et “ami de l’environnement” ne préserve en rien la biodiversité et les terres arables déjà présentes sur le site, rétorquent les occupants. Les architectes proposent de raser les vieux arbres et de remplacer la terre par des parkings souterrains recouverts de pelouse. » Les occupants demandent à ce que le projet soit « rediscuté », « en prenant en compte les aspirations et les besoins des habitants d’un quartier déjà bien bétonné ».
« On a réussi à les repousser en se dressant face à leurs machines » (...)

Des évènements ont vite ponctué la vie de la nouvelle zad : fête des voisins, marchés de légumes à prix libre, spectacle de cirque amateur, fête de la musique le 21 juin, ou encore tournois de pétanque.

Une maison inoccupée a été ouverte sur le site. « Des gens se sont installés pour y habiter, de manière à pouvoir prendre soin du terrain et à être sur place pour le défendre en cas de destruction », explique Jonas, étudiant en sciences humaines et lui aussi jardinier-squatteur. Au bout d’un mois, les occupants étaient « en bonne voie pour [s’]enraciner dans la vie de quartier », dit-il, quand ils ont essuyé une première attaque. (...)

« une première pelleteuse a ouvert un passage, défoncé des arbres, raclé et tassé le sol… On a vu tous nos efforts réduits à néant ». Les habitants ont riposté : « Quelques-uns se sont perchés sur l’engin de chantier, l’immobilisant. » Entretemps, des soutiens ont afflué et, quand une seconde pelleteuse s’est élancée, elle s’est heurtée à une chaîne humaine. « On a réussi à les repousser en se dressant face à leurs machines, mais je ne sais pas si on peut parler de victoire… Ils ont rasé les trois quarts du jardin en quelques minutes », déplore Gwendoline, jardinière-squatteuse. « C’était de la guérilla : on tape super fort, vite, et on se casse une fois que tout est en vrac », estime Pierre. (...)

Le maire de Dijon, François Rebsamen (Parti socialiste, PS), ainsi que ses adjoints, contactés par Reporterre pour un entretien, n’ont pas répondu, malgré nos relances. (...)
« On comprend l’argument du logement, mais de nombreuses friches industrielles ne sont pas réhabilitées et des centaines de logements sont vides à Dijon ! Commençons par là », lui répondent les jardiniers-squatteurs.

Les jours qui ont suivi l’opération, « plein de gens sont venus prêter main-forte et ont permis à l’Engrenage de ne pas sombrer », raconte Gwendoline. Des chantiers collectifs ont été menés « pour décompacter le terrain, qui avait été tassé par les machines, poursuit-elle. C’était dur, notre tracteur se pétait les dents et le motoculteur glissait. On a dû tout retourner à la main, en pleine canicule ». « C’était une course contre la montre : une semaine après l’opération, il fallait que tout soit replanté si on voulait avoir des légumes », se rappelle Jonas. Un mois et demi plus tard, « on peut considérer que la mission est accomplie », dit Pierre, souriant, en montrant les légumes prêts à être croqués. (...)

« On ne lâchera pas, c’est la lutte du bon sens contre la folie », prévient Pierre. (...)

À quelques kilomètres de là, les activistes des Lentillères sont parvenus à faire plier la mairie de Dijon et un projet d’écoquartier baptisé « Écocité des maraîchers », qui menaçait d’engloutir les dernières terres maraîchères dijonnaises. Mardi 26 novembre, après dix ans d’une longue bataille, le maire, François Rebsamen, avait annoncé l’abandon du projet immobilier. (...)