
Quelques jours après l’évacuation du bois Lejuc, le 22 février dernier, les opposants ont annoncé maintenir le week end prévu de longue date pour réunir et coordonner les différents comités de lutte contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires, à Bure. Leur présence dans les arbres dès le lendemain de cette expulsion leur a permis de dénoncer le caractère disproportionné de cette opération (500 gendarmes pour évacuer, pour reprendre les mots du gouvernement, « une quinzaine » d’occupants), conçue avant tout comme un coup de communication destiné à les stigmatiser.
En maintenant leur week-end de mobilisation des 3 et 4 mars, les opposants ont voulu lui donner une réponse commune. Malgré plusieurs arrêtés déposés par la Préfecture de la Meuse cette semaine pour interdir la circulation, le stationnement et toute manifestation autour de Bure du 2 au 5 mars, entre 300 et 400 militants se sont retrouvés samedi dans le village voisin de Mandres-en-Barrois. La gendarmerie était présente sur tous les accès routiers, mais se contentait de contrôler l’identité des voyageurs présents dans les véhicules. Après une matinée consacrée à la coordination de leurs actions, les opposants à la poubelle nucléaire ont tenu une conférence de presse. Devant la mairie, après avoir déroulé une banderole sur laquelle on pouvait lire "Hulot m’a radicalisé•e", des résistants portant des masques de hiboux ont pris la parole avec d’autres représentants de la lutte, parmi lesquels on comptait Jean-Marc Fleury, président de l’association des élus de Lorraine et Champagne-Ardenne opposés à l’enfouissement des déchets radioactifs, Jacques Leray, porte-parole du Cedra, le collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs, Jean-Pierre Simon, agriculteur dénonçant l’accaparement des terres agricoles autour de Bure, ou encore Claude Kaiser, ancien maire et aujourd’hui conseiller municipal d’un village voisin. Enfilant en fin de son intervention un masque de hibou, ce dernier a voulu faire de ce geste un symbole du message de cette journée : l’affirmation d’un front commun déterminé à poursuivre la lutte contre le projet CIGEO et refusant toute distinction entre « bons » et « mauvais » manifestants.
Peu après 15h, un cortège s’est mis en route en direction du bois Lejuc avec l’objectif d’édifier une nouvelle « vigie » sur un terrain limitrophe appartenant à un agriculteur « ami ». Les manifestants transportaient des poutres, des panneaux de bois, des tapis et d’autres matériaux destinés à construire un poste d’observation des agissements de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs dans le bois, dont la propriété reste aujourd’hui contestée par des recours judiciaires. Encore traumatisés par la tournure guerrière des répressions policières lors la manifestation du 15 août 2017, ayant causé un blessé grave parmi les opposants, et donné lieu à plusieurs interpellations judiciaires, les participants à cette expédition étaient déterminés à atteindre leur but au travers d’une démarche axée sur la non-violence.
À quelques centaines de mètre de l’orée du bois, leur route a été coupée par un important dispositif de gendarmerie dont un canon à eau, et de nombreux véhicules. (...)
Cette tentative n’a duré que quelques dizaines de secondes, interrompues par des jets de bombes lacrymogènes. Contrairement à ce qui a été répercuté dans la plupart des médias, l’utilisation des gaz par les forces de l’ordre a précédé les jets de pierre de quelques manifestants. Même la vidéo des faits postée par la gendarmerie nationale sur sa chaîne youtube en atteste. Mais les médias qui ont diffusé ces images ont aussi repris la narration des faits telle que communiquée sans doute par les autorités, qui mènent autour de Bure une véritable guerre de l’image. En témoigne le nombre important de gendarmes munis hier d’appareils photos et caméras. Le matin, lors de la conférence de presse des opposants, un cameraman de la gendarmerie a même tenté de se glisser parmi les journalistes, avant d’être interpellé par un de mes confrères qui l’ayant repéré, lui a demandé de retourner dans ses propres rangs. (...)
Les marcheurs ont ensuite été refoulés à coups de gaz lacrymogènes jusqu’à quelques centaines de mètres du village. La fin de cette retraite vers Mandres-en-Barrois s’est néanmoins faite dans une atmosphère joyeuse et musicale. Les manifestants, partis sans volonté d’affrontement, ont fêté leur arrivée en dansant : ils étaient heureux d’avoir pu rentrer sans compter parmi eux de blessés graves. (...)
Notre objectif était de montrer notre détermination à continuer à nous opposer à ce projet, en évitant de nous mettre en danger. De ce point de vue, être parvenus à ne pas répondre aux provocations des forces de l’ordre est une réussite. »