
De Belleville à Tolbiac, des centaines de personnes se sont mobilisées, dans la soirée du lundi 9 avril, en soutien aux Zadistes de Notre-Dame-des-Landes. Sonnées, certes, mais pas abattues.
Aux alentours de 18 heures, hier lundi 9 avril, des centaines de parapluies ont commencé à affluer sur le boulevard de Belleville, disséminés aux embouchures de la station de métro du même nom. Sous une pluie discontinue, les imperméables sont de sortie mais, si les corps trempés sont bien à Paris, les pensées voguent surtout en direction de Notre-Dame-des-Landes. En Loire-Atlantique, la Zad termine tout juste de subir le choc d’une première journée d’évacuation quasi-militaire.
Couvre-chef posé sur le crâne, arrivé parmi les premiers sur le lieu de rassemblement parisien, Philippe affiche un sourire désabusé : « La violence exercée par l’État est d’une démesure extrême, estime le sexagénaire. Ces gens tentaient de développer un modèle de vie alternatif, hautement estimable et plein d’espoir pour nous tous. Je ne sais pas ce que l’état craignait des Cent Noms… qu’ils fassent un coup d’état avec leurs brebis ? » (...)
Dans son dos, des dizaines de camions de CRS s’engouffrent vers les hauteurs de la rue de Belleville. « Ils n’ont même pas de place pour se garer », s’amuse une participante. Les chants se font entendre de manière croissante à mesure que la foule — qui n’a pas vraiment d’âge — se garnit, et que les voix se chauffent. Morceaux choisis : « Et la Zad, elle est à qui ? Elle est à nous ! » ou encore « Zad partout, expulsions nulle part ». Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, appelé — entre autres— à « dégager », en prend pour son grade.
Rassemblement encerclé par les CRS (...)
Les manifestants restent bloqués et contenus, de chaque côté de leur point de rassemblement, par des barrages de CRS (...)
Le rassemblement, condamné à l’immobilisme dans le 20e, s’exporte finalement vers Tolbiac par la voie ferrée.
« Zad Express »
Le temps du trajet vers l’université Paris 1, le métro parisien est rebaptisé le « Zad Express ». Des « le métro, il est à qui ? Il est à nous ! » résonnent dans les couloirs sous-terrains de Paris. Une septuagénaire, éberluée, interroge : « Mais qui sont tous ces gens ? » tandis qu’au marqueur, dans les wagons, les noms traditionnels des arrêts sont barrés et remplacés par le mot « Zad ». Enfin, une étudiante grimpe sur un strapontin et inscrit « Zad est lumière » sur l’un des éclairages du plafond. (...)
Une fois la joyeuse troupe arrivée à hauteur de la fac de Tolbiac, reste à entrer dans le bâtiment… et à jouer les acrobates. Trois mètres de grille à escalader, une petit échelle en guise de soutien, et une chaise pour se réceptionner. L’université, décidément… « c’est sélectif », souffle un étudiant, portant son regard inquiet vers le haut de la barrière. « Je suis pas dans la forme de ma vie », concède-t-il avec dérision.
À l’intérieur de l’enceinte, proclamée ironiquement « start-up de zad urbaine », interdiction de prendre des photos. La décoration est refaite et les murs sont porteurs de messages révolutionnaires, évolutionnaires, antifascistes, antiracistes, féministes… (...)
La totalité des prises de parole sur le sujet viennent manifester un soutien absolu à la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Et chacun y va de sa suggestion, de sa proposition sur les modes d’action à adopter : « S’y rendre ce week-end ? » proposent les uns. « C’est demain [aujourd’hui] que ça se passe », répondent les autres. En bus ? « Non, les contrôleurs sont en grève, prenons le train ! » « La Zad est une façon de voir les choses, elle est partout, il ne faut pas dépeupler les lieux parisiens », peut-on aussi entendre. (...)
Des discussions alimentent l’idée de profiter des forces vives en présence pour effectuer, dès la fin de l’assemblée, une manifestation sauvage. Celle-ci emporte les ardeurs de quelques deux cent participants vers la gare d’Austerlitz et ce jusqu’à près de minuit. « Une attaque contre la Zad, c’est une attaque contre le mouvement social d’une manière générale, pense Marcus, étudiant en histoire à Paris 1. L’État tente de nous couper l’herbe sous le pied chaque fois qu’on essaye quelque chose de nouveau. Et bien moi je pense qu’un mouvement social est comme hydre : tu lui coupes une tête ? Elle repousse. » Éclairée par ses soutiens, à la lueur des lampadaires parisiens, le lundi 9 au soir, la Zad était lumière.