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7 péchés capitaux de la police lyonnaise - #3. L’hélicoptère de police, un mouchard de haut vol
Article mis en ligne le 3 mai 2021

Lyon est la ville de France la plus surveillée par l’hélicoptère, surnommé « BAC hélico » par la police. Il est en effet aux mains de la brigade anti-criminalité (BAC). Ce vendredi, un manifestant saisit le tribunal administratif pour que l’appareil reste au sol : pour l’instant, son utilisation par la police est toujours illégale.

20 mars 2021, 16 heures, un hélicoptère survole la rue Vauban, à Lyon. Une manifestante raconte : « on a pensé que c’était pour nous, et on s’est dit : on est devenus paranos : ils vont pas envoyer l’hélico pour quelques centaines de personnes ?! Et puis l’hélico s’est mis à nous tourner autour. En fait si, c’était pour nous ! ». Selon Le Progrès, seulement 500 personnes ont défilé ce jour-là. Cause probable du décollage de l’hélico : après 15h heures, une partie du cortège, ne connaissant pas le trajet prévu, est parti dans la mauvaise direction, faisant probablement croire à la police à un départ en manifestation sauvage. C’est que l’hélicoptère fait désormais partie des moyens habituels de « maintien de l’ordre ». En France, son utilisation policière semble remonter au début des années 2000. En 2002, un hélicoptère est signalé lors du 1er mai contre l’extrême droite, à Paris. En 2005, pour mater la révolte des banlieues, le Gouvernement décide « pour la première fois l’utilisation d’hélicoptères dans une situation de violence urbaine. "Une décision lourde" selon Claude Guéant », qui dirigeait alors le cabinet du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy [1] .

La France survolée en permanence par un hélico de police

La décision « lourde » est désormais banalisée : d’après un rapport détaillé de l’inspection générale de l’administration (IGA) daté de 2016, les hélicoptères de la gendarmerie réalisent chaque année plus de 9000 heures de vol pour des missions de police (sans compter les missions de secours), soit 25 heures par jour en moyenne. Autrement dit, il y a toujours un hélico de police en vol sur le territoire français. A Lyon, l’hélicoptère ne semble avoir été utilisé qu’à partir de 2007, lors du mouvement étudiant contre la loi « LRU » et dans les quartiers populaires (comme à Firminy en juillet 2009), mais de façon sporadique. Son utilisation s’intensifie progressivement à l’occasion du mouvement contre les retraites (octobre 2010), et pour certains matchs de football. (...)
De dispositif exceptionnel, l’hélicoptère se banalise avec les manifestations contre la loi « Travail » au printemps 2016, puis avec les manifestations de Gilets jaunes à partir de décembre 2018.
Lyon, la ville la plus surveillée par l’hélico

Le rapport de l’IGA publie pour 2015 le détail des interventions en hélicoptère de chaque base de gendarmerie. Et, surprise : Lyon arrive en tête des sorties pour des motifs policiers. Même Paris, agglomération sept fois plus importante que Lyon, à la vie politique et sociale autrement plus mouvementée, ne compte pas autant de sorties policières d’hélicoptère. (...)

Pourquoi Lyon plus qu’ailleurs ? Mystère, d’autant que Lyon reste une ville dont les mouvements sociaux demeurent globalement modérés. (...)

Le rapport de l’IGA critique d’ailleurs le fait que la dotation de chaque base en hélicoptère est réalisée « sans corrélation évidente avec les niveaux d’activité ». Autrement dit, l’utilisation de l’hélicoptère de police est plus un luxe qu’une réelle nécessité. (...)

l’hélicoptère semble surtout marquer une volonté de « démonstration de force, pour laquelle les pilotes ont parfois reçu la consigne de ‘‘faire du bruit’’ au-dessus des manifestants », comme le révélait le Point en 2019. L’ancien adjoint à la sécurité de la ville de Lyon Jean-Yves Sécheresse dénonce lui-même « le côté anxiogène » de l’engin : « Ça provoque une ambiance terrible alors que la Ville n’est pas à feu ni à sang » (Le Progrès, 27 avril 2019). Au total, le rapport de l’IGA dénonce « un niveau d’activité dont la pertinence est difficile à évaluer ». Il faut dire que les coûts sont exorbitants (...)

Le tribunal administratif de Lyon saisi

Les articles 22 et 22 bis de la loi pour une sécurité globale prévoient que « lors de leurs interventions, les autorités publiques [...] peuvent procéder, au moyen de caméras équipant leurs […] aéronefs […] à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images », notamment pour « prévenir les incidents au cours des interventions », « faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs » ou encore « assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ». Ces articles définitivement adoptés par le Parlement le 15 avril dernier, n’entreront en vigueur qu’une fois leurs décrets d’application publiés, après avis de la CNIL. En attendant, la surveillance par drone ou hélicoptère demeure illicite. Comme souvent en matière de fichage, la pratique policière a précédé l’encadrement légal : encore une fois, c’est la police qui a fait la loi. Dans la suite du gros travail juridique effectué par la Quadrature du net sur les drones, un manifestant saisit ce jeudi le tribunal administratif de Lyon en « référé-suspension », avec le soutien du Comité. Il demande le maintien de l’appareil au sol tant que les décrets d’application ne sont pas publiés. Sous la pression des juges, la police sera peut-être enfin forcée de respecter la loi.