
Salarié·e·s de Mediapart, nous soutenons la mobilisation de l’Université du 5 mars. La réforme qui menace les chercheurs, vouée à accélérer leur précarisation et à détériorer leurs conditions de travail, met en péril l’élaboration de savoirs si précieux pour un journal numérique et participatif comme le nôtre. Pour défendre le débat public, il est indispensable que les travailleur·e·s du numérique, du journalisme et de la recherche soient solidaires.
La mobilisation, qui couve depuis de nombreux mois, s’exprime de manière plus spectaculaire aujourd’hui. Elle est le fruit d’au moins une décennie de frustrations accumulées par les agents titulaires comme par les travailleurs précaires, ceux-ci constituant une véritable armée de réserve de l’enseignement supérieur. À des degrés divers, toutes et tous souffrent du sous-financement chronique du secteur, et de son basculement dans un modèle centralisateur, managérial et concurrentiel, en décalage avec ses missions initiales de formation et de recherche indépendante.
Nous, salarié·e·s de Mediapart, exprimons notre solidarité à l’égard de tous les personnels engagés contre une loi qui aggravera leur précarité et leurs conditions de travail (déjà dégradées). Si leur situation sociale suffirait à légitimer la contestation, la portée de celle-ci se révèle bien plus large. Travaillant pour un média d’information générale, mobilisant régulièrement les savoirs acquis sur la marche de nos sociétés, nous mesurons l’importance cruciale des chercheurs, chercheuses, enseignantes et enseignants pour la qualité du débat public.
Dans notre pratique professionnelle, nous avons en effet recours à leur regard et leur savoir pour donner du sens aux faits dont nous rendons compte. Afin de s’y retrouver dans le chaos des informations brutes dont nous sommes inondés chaque jour, citoyens comme journalistes, il est nécessaire d’avoir de la mémoire et de se doter de grilles de lecture multiples. Pour qui se préoccupe des comportements et décisions qui déterminent notre destin collectif, cet éclairage se révèle indispensable, y compris lorsqu’il est polémique.
À côté des acteurs partisans, syndicaux et associatifs, les enseignants et les chercheurs, qui sont aussi des citoyens, assument parfois un rôle d’intervention qui contribue à la conversation nationale. Nous en faisons régulièrement l’expérience grâce aux contributeurs du Club — l’espace participatif de Mediapart. Les affinités entre la recherche, et le journalisme comme producteur d’informations et animateur du débat public, sont donc évidentes.
Or, en dehors de quelques think tanks aux effectifs réduits, l’université publique est un lieu privilégié, quasi-unique, pour accomplir un travail intellectuel de fond. (...)
Alors que de nombreux salariés de Mediapart se sont mobilisés depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites, l’expérience de la grève nous a aussi appris les nombreux points communs de nos métiers avec ceux de l’enseignement et de la recherche, notamment parmi les travailleurs·ses du numérique. Nous éditons des sites de revues, de médias, des applications et des plateformes en ligne, nous animons quotidiennement des réseaux sociaux, nous gérons le développement et la maintenance des infrastructures web.
Depuis le mois de décembre, nous nous sommes même coordonnés pour mettre en place des actions collectives originales, rédiger des textes communs et bien sûr manifester ensemble, notamment avec le collectif onestla.tech. (...)
Le numérique, le web, le digital doivent être des vecteurs du savoir, du partage de connaissance et de l’émancipation humaine. Il ne doit pas être cantonné à un rôle de simple espace abandonné aux règles du marché, à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, ni d’exploitation des travailleurs, souvent invisibles, qui portent les infrastructures à bout de bras. Ce constat vaut pour la recherche, puissant carburant de nos médias et de notre débat public, dont les agents doivent pouvoir rester indépendants et bénéficier d’un cadre de travail protecteur
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Blocages, manifestations, occupations… A Marseille, Toulouse ou Paris, plusieurs milliers de chercheurs et étudiants, en grève jeudi 5 mars, sont descendus dans la rue crier leur opposition à la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche, en cours de finalisation par le gouvernement.
« On dit stop ! On se lève et on se casse ! » (...)
Parmi les principales revendications de la journée : le retrait de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, un plan de titularisation dans les universités et les laboratoires et des créations de postes. Des mesures absentes, selon eux, de la future loi qui doit être prochainement présentée en conseil des ministres. (...)
De nombreux blocages ont aussi eu lieu dans les universités, comme à Paris-XIII ou à Aix-Marseille, où des enseignants-chercheurs ont barré l’entrée de l’un des principaux bâtiments, en s’allongeant devant, d’après des messages postés sur les réseaux sociaux. D’autres actions symboliques étaient organisées, comme un empilement de chaises vides, sur un campus à Grenoble, une « déambulation festive » en musique, sur le campus d’Aubervilliers, ou encore des « cérémonies funèbres » et autres flashmob et « levées de livres ». (...)
La Coordination nationale des facs et labos en lutte, qui dit rassembler au moins 111 universités et écoles, 290 labos et 145 revues scientifiques, doit se réunir vendredi et samedi pour décider des suites à donner au mouvement.