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Vie et mort du quick commerce en France : des années de non-respect de la loi
#commerce
Article mis en ligne le 6 novembre 2023
dernière modification le 5 novembre 2023

À peine arrivées, déjà reparties. Les entreprises de livraison express de courses ont fait un passage éclair en France – sans respecter la loi, commettant des fraudes massives et en laissant au contribuable la responsabilité de payer les pots cassés.

« Ces entreprises vont plus vite que tout. Plus vite que la temporalité administrative, que le temps judiciaire… » En deux ans à peine, les entreprises de livraison express de courses, ou « quick commerce » se sont installées en fanfare en France avant de fermer le rideau. Pour les travailleurs comme pour les observateurs, à l’image de Rémy Frey de la CGT commerce, la stupéfaction prime, assortie de « l’impression de s’être fait balader ». (...)

À la faveur des confinements et couvre-feux, le modèle semble séduire les consommateurs. Leur expansion financière est d’abord éblouissante.

En 2021, moins d’un an après sa création, la valorisation de Gorillas en bourse dépasse déjà le milliard de dollars. L’argument phare de ces plateformes, c’est qu’elles emploient leurs travailleurs en CDI, contrairement aux entreprises comme Uber ou Deliveroo qui contraignent les coursiers à travailler comme indépendants. (...)

Aides publiques et partenariat avec Pôle emploi

Loin d’avoir une activité rentable, ces entreprises se financent en fait par des levées de fonds successives. À chaque fois, elles récupèrent plusieurs dizaines voire centaines de millions (...)

À chaque fois, les premiers mois d’activité de ces plateformes sont ceux de l’abondance, sur fond de concurrence entre elles. Les employés ont des salaires plutôt hauts pour le marché : « 1500 euros net mensuels au démarrage, 1900 euros avec les heures supplémentaires, 2000 euros en travaillant le dimanche. Certains livreurs assurent avoir atteint jusqu’à 2400 euros lors d’un mois particulièrement fructueux », rappelle Mediapart concernant Getir. De leur côté, les consommateurs croulent sous les promotions exorbitantes. (...)

Liquidations judiciaires et fin du modèle

« Elles se sont lancées en faisant fi de toute règle existante », critique de son côté Rémi Frey, le syndicaliste CGT. C’est le cas par exemple de l’implantation de ces plateformes dans les grandes villes de France. La promesse de courses amenées à la porte en quelques minutes implique l’existence de « dark stores » en grande quantité, des sortes de supermarchés sans clients, uniquement utilisés pour préparer les commandes. Les lieux ont d’abord été loués avec des baux commerciaux.

Puis arrivent les contrecoups. En 2022, c’est la fin de l’ « argent gratuit », les taux d’intérêt remontent et le Nasdaq (l’indice boursier de nombreuses entreprises de la « tech », le second plus important des États-Unis) chute. Les levées de fonds deviennent plus difficiles pour ces entreprises. Au printemps 2023, le Conseil d’État confirme que les « dark stores » sont en fait des entrepôts, et donc que leur implantation à la place de commerces est illégale. La décision est suivie d’un décret du gouvernement, qui confirme cette orientation. (...)

Début mai 2023, Getir France, ainsi que Gorillas et Frichti – rachetées par l’entreprise turque en décembre 2022 – sont placées en redressement judiciaire. Getir et Gorillas sont liquidés. Frichti est rachetée par une autre entreprise de courses en ligne, La Belle Vie. Mais la société annonce que le service de Frichti va « abandonner le modèle actuel qui a montré ses limites » (...)

Flink a de son côté été sauvée de la liquidation en septembre. Elle est devenue la dernière entreprise de la livraison ultrarapide de courses en France. Elle a été rachetée par sa maison mère allemande, avec Guillaume Luscan, directeur général de l’entreprise, ainsi qu’une start-up algérienne, Yassir. Lors de la reprise, le 12 septembre, il a été annoncé que plus de 200 personnes seraient licenciées, ramenant les effectifs à environ 270 salariés. On est bien loin des milliers d’emplois promis il y a encore quelques années par les start-up du « quick commerce ».