
« La révolution sera tweetée » est un de leurs slogans les plus célèbres, tweeté et retweeté des milliers de fois. 140journos défend le journalisme libre dans un pays, la Turquie, où la presse est constamment malmenée. Depuis 2012, ce collectif qui ne compte pourtant aucun journaliste s’est rendu indispensable à la liberté d’information.
Pas une semaine sans que le compte Twitter de 140journos ne couvre manifestations, blocages ou ne retweete les dernières news qu’on ne trouvera pas dans les médias traditionnels.
Fin décembre, l’actualité était chargée. Ils étaient partout. Aussi bien à la marche du 28 décembre contre les mégaprojets industriels de la région de Marmara à Kadiköy, le quartier de la rive est d’Istanbul, qu’aux différentes manifestations commémorant les trois ans du massacre de Roboski.
« Nous avons un agenda exhaustif de toutes les manifestations », explique Engin Onder, un des fondateurs du mouvement et le plus souvent son porte-parole. Et ils n’en omettent aucune, quelle que soit la ville en Turquie et quels qu’en soient les organisateurs.
A l’origine, un massacre
Le compte Twitter de 140journos est né en 2012. Aujourd’hui, il affiche 2 1000 tweets au compteur, rassemble plus de 54 000 abonnés et reçoit plusieurs milliers de tweets par jour.
A l’origine de la création du collectif, le massacre de Roboski, bombardement par l’armée d’un groupe de contrebandiers à la frontière avec l’Irak au lourd bilan de 34 morts. Silence radio dans la toute la presse turque. (...)
Leur premier fait d’armes est le récit d’un procès à laquelle la presse était interdite en direct depuis la salle d’audience, rendant fou de rage juge et procureur. (...)
L’occupation de la place pour protester contre le projet de destruction du parc Gezi, un des derniers espaces verts du centre d’Istanbul, pouvait être suivie en direct mais pas à la télé Turque. C’est Twitter, Instagram, Soundcloud, Vine et Storify qui ont dû prendre le relais des médias censurés jusqu’à la caricature.
Le 2 juin, alors que sur CNN International, on pouvait voir un direct des manifestations, CNN Turquie se contentait d’un inoffensif documentaire sur les pingouins. Dans les heures qui suivaient, l’image des pingouins devenait virale et donnait lieu à des centaines de détournements. Le compte Twitter de 140journos en a fait son emblème. (...)
« Nous ne sommes pas des professionnels. Nous croyons simplement à la divulgation de faits vérifiés intéressant l’actualité à des publics aussi larges que possibles. Nous savons comment fonctionnent les médias turcs. Et parce que depuis vingt ans, ils ne font pas leur travail, notre travail est pertinent. »
Au quotidien, leur tâche est loin d’être glamour. L’équipe est constituée de 10 rédacteurs et 300 contributeurs dans toute la Turquie : des lycéens, étudiants, activistes, avocats, travailleurs, artistes... jusque dans les zones les plus rurales du pays. Le groupe a un fonctionnement particulièrement bien rôdé et efficace : (...)
Leur audience provient aussi de cette présence de contributeurs heureux de voir enfin exposer leur actualité. Dans six mois, la Turquie renouvelle son Assemblée. Les « workshops » sur les médias sociaux et le journalisme citoyen déjà planifiés pour le début d’année ne seront certainement pas inutiles le moment venu.