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Von der Leyen II : Le grand marchandage avec l’extrême droite #2
#UE #extremedroite
Article mis en ligne le 1er décembre 2024
dernière modification le 29 novembre 2024

Raffermissement de l’emprise du PPE, renforcement de l’axe Von der Leyen/Meloni et fin programmée du cordon sanitaire autour des extrêmes droites au Parlement européen. Novembre devait être le mois des grands oraux pour les nouveaux commissaires européens. Cela a tourné au bal des hypocrites. Deuxième et dernier épisode de notre récit consacré aux négociations autour de la nouvelle Commission européenne.

À l’issue de 20 jours de tractations publiques et autant de messes basses, le Parti populaire européen, premier groupe de l’Hémicycle et principal soutien de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a obtenu ce qu’il voulait. Une mainmise presque totale, l’humiliation de ses partenaires sociaux-démocrates et libéraux, le ménagement des extrêmes droites. Un succès retentissant, fruit d’une stratégie patiemment mise en place, que Blast est parvenue à saisir, par le texte, par l’image, et par le son.

Acte 1, 6 novembre après-midi. Le premier chantage du PPE : un otage belge contre une rescapée suédoise (...)

La ministre belge des Affaires étrangères, en attente de son ticket de validation pour le poste de commissaire en charge de l’égalité des chances, de la gestion de crise et de l’aide humanitaire, sait qu’elle peut être mise en difficulté. Blast et les médias spécialisés dans l’actu européenne l’ont rangée parmi les maillons faibles. La faute à une affaire de visa accordé au maire de Téhéran (Alirreza Zakani surnommé « Ali le boucher ») juste après la libération d’un otage belge en Iran, au printemps 2023. (...)

L’extrême droite apparaît divisée, tombant dans ses outrances voire le ridicule. Par exemple quand l’eurodéputé du RN Fabrice Leggeri (Patriotes européens), exfiltré de la direction de Frontex en raison de sa mauvaise gestion comme l’a décrit Blast, exige d’elle une stricte gestion des fonds européens ; ou quand Laurence Trochu, élue sur la liste Reconquête d’Éric Zemmour, demande à la commissaire pressentie à la politique d’égalité « ce qu’est une femme ». (...)

« J’ai participé aux échanges, témoigne un parlementaire d’opposition. Le PPE a d’abord fait reporter la réunion à 14h30, afin de pouvoir débriefer – ensemble – les prestations d’Hadja Lahbib et de Jessika Roswall. Puis, le chantage exercé sur les groupes S&D et Renew est apparu assez clairement : si d’autres candidats ou choix du PPE étaient remis en question, il y aurait des représailles. »

En fin d’après-midi, le site officiel du Parlement européen a dès lors souhaité la bienvenue à Jessika Roswall. Puis à Hadja Lahbib. Au cours de cet acte 1, le chantage a marché à la perfection.

Acte 2, 6 novembre en soirée. Le martyr du confident d’Orban (...)

Cet ancien diplomate a été passé au grill sur sa position sur le droit à l’avortement, l’accès aux soins des personnes LGBTQ+, l’usage du vaccin russe Spoutnik par la Hongrie durant l’épidémie de Covid-19, les soupçons de corruption entourant Orban, ses propres insultes adressées aux parlementaires européens en février 2023 (le désormais célèbre « il reste combien d’idiots dans la salle »). Sans jamais réussir à convaincre. (...)

Acte 3, 12 novembre matin. Raffaele Fitto, le trait d’union entre von der Leyen et Meloni

A l’issue de la première semaine des grands oraux, 19 commissaires ont reçu le feu vert du Parlement européen. Un seul a été rejeté, le Hongrois Oliver Varhelyi. Mais ce mardi 12 novembre, la nervosité gagne les coursives de l’hémicycle.

Les auditions des six commissaires à qui Ursula von der Leyen a décidé de confier un rôle de coordination vont débuter. Ces six super-commissaires sont destinés à porter le titre de vice-président. Et parmi eux figure l’Italien Raffaele Fitto, le bras droit de Giorgia Meloni.

Dans le bâtiment Jozsef Antall où se tiennent les séances, les lignes sont tracées. Le PPE entend défendre bec et ongles le Transalpin malgré son appartenance à l’extrême droite (...)

Durant les trois heures qui suivent, les représentants du PPE se cantonnent tous à des questions techniques, institutionnelles, sans réelle consistance politique ; les élus du S&D et de Renew demeurent timorés. Seuls les Verts semblent prêts à en découdre. Ils se gaussent de l’habitude de Raffaele Fitto de rappeler son passé au sein de la démocratie chrétienne quand il est encarté chez Fratelli d’Italia (extrême droite), mettent en doute sa « franchise », soulignent son appartenant au groupe ECR (extrême droite), profondément eurosceptique.

« Vous avez une habitude de coexistence avec le néofascisme », lâche après 1h30 d’échanges de plus en plus tendus, l’écologiste espagnole Ana Miranda Paz. « La droite qui blanchit l’extrême droite dans toute l’Europe : c’est ce que vous symbolisez. » (...)

Acte 4, 12 novembre après-midi. Un Français tout lisse, une Espagnole rincée

Ce n’est pas sur Stéphane Séjourné, candidat Renew au poste de commissaire à la Stratégie industrielle, que le PPE va exercer ses représailles. L’éphémère ministre macroniste des Affaires étrangères doit son parachutage au prestigieux poste à un concours de circonstances. La présidente de la Commission Ursula von Der Leyen a obtenu d’Emmanuel Macron d’écarter le précédent commissaire français, Thierry Breton, trop critique, en échange de l’adoubement de ce fidèle d’entre les fidèles. Malgré son peu de connaissance de la chose industrielle… (...)

Épilogue : Le Parlement baisse pavillon

Une semaine durant la crise a couvé. Pour entrer en fonction au 1er décembre, la Commission doit être validée dans son ensemble avant le 27 novembre. Les blocages autour de Fitto, Varheliy et Ribera semblent empêcher un quelconque vote, d’autant que l’actualité parlementaire radicalise les positions. Le 14 novembre, cela fait 36 heures que la situation est gelée, quand le PPE s’allie à l’extrême droite pour voter le report d’un an d’un règlement contre la déforestation.

Une troisième pierre dans le jardin des progressistes. (...)

Non seulement les commissaires d’extrême droite, Raffaele Fitto et Oliver Varehliy sont bien confirmés, mais le PPE a toute latitude pour nouer des alliances avec l’extrême droite lors du vote de certains textes. Ursula von der Leyen obtient le casting dont elle a rêvé. Renew, malgré son recul électoral conserve deux vice-présidence. Et S&D sauve Teresa Ribera. Un deal munichois.

En ce mois de novembre, le Parlement devait sanctuariser le peu de pouvoir qui lui est réservé. Le PPE en a fait le paillasson de ses ambitions.