
D’« importantes dérives » ont été constatées dans des établissements scolaires privés hors contrat, et en grande partie dans des établissements catholiques traditionalistes. C’est pourtant sans grande difficulté que, généralement, le mouvement catholique d’extrême droite se faufile entre les règlements pour faire vivre ses écoles. Les établissements musulmans sont, eux, empêchés de fonctionner, ou tout simplement menacés (...)
c’est bien un traitement discriminatoire dont est coupable l’État français, prompt pourtant à mettre en avant les « valeurs de la République ». L’article qui restitue les résultats de cette enquête fait partie du dernier numéro de la revue Z qui s’intitule « Et l’école elle est à qui ? ». Nous le reproduisons ici.
(...) Ouvrir une école, un chemin de croix
En additionnant les écoles primaires confessionnelles « hors contrat » et « sous contrat » (voir encadré en bas de l’article), il y a environ une école musulmane pour 40 000 pratiquant·es, contre une école catholique pour 7 000 pratiquant·es et une école juive pour 4 400 pratiquant·es. À celles et ceux qui verraient dans ce constat une simple émanation de « l’histoire judéo-chrétienne » de la France, je conseille la lecture de l’entretien de Nazir Hakim, fondateur du groupe scolaire Al Kindi à Décines, à côté de Lyon, accordé en 2018 au site Millénaire 3.
Il y raconte les difficultés pour créer une école où les « enfants [musulmans auraient] le même traitement que les autres [2] » (...)
Officiellement pourtant, aucun gouvernement français n’a osé attaquer la liberté d’enseignement depuis les années 1980. Dans son discours sur le « séparatisme » du 2 octobre 2020, Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé qu’« il ne s’agit en aucun cas de la remettre en cause » (...)
L’inégalité est encore plus criante si l’on se penche uniquement sur les écoles primaires sous contrat, c’est-à-dire celles dont l’État prend en charge le salaire des professeur·es et la municipalité, une partie importante des frais de fonctionnement : il en existe un peu plus de 4 500 du côté des catholiques et… une seule du côté des musulman·es, celle de La Medersa, à La Réunion, une pionnière ouverte en 1948.
Ce financement public de l’enseignement privé, codifié par la loi Debré de 1959, est l’une des victoires du mouvement catholique après guerre. (...)
Le jeu républicain ou la mort
Quel projet de société défendent celles et ceux qui tentent de faire vivre des écoles musulmanes ? Il est très compliqué de le savoir. Que vous vous affichiez de droite, de gauche, ni l’un ni l’autre, féministe ou antiféministe, pro-business ou anticapitaliste, être musulman·e et le revendiquer suffit à vous disqualifier. Dans ce contexte, les rares qui essaient malgré tout d’exister se parent du maximum d’atours républicains, sans qu’on sache si cela relève de la contrainte ou de la conviction.
Que pensent les enseignant·es des écoles musulmanes de la numérisation de l’école, de l’éducation à l’environnement, des inégalités sociales, de l’égalité filles-garçons ? Vous ne le saurez pas, pour une raison simple : seule compte la survie de leur établissement, et iels savent bien que tout ce qu’iels pourraient dire publiquement risque d’être retenu contre elleux, rendant impossible une discussion sincère. (...)
Devinette : à part le collège Saint-Projet, quelles sont les écoles hors contrat fermées ces dernières années ? Celles financées par la Fondation pour l’école et préparant acti-vement la guerre raciale ? Ou des écoles musulmanes qui, pour la plupart, passent leur temps à essayer d’apparaître irréprochables ?
Sans défendre une vision de la société qui passerait par la multiplication des établissements privés, on ne peut que constater un traitement discriminatoire islamophobe de la part de l’État, qu’il s’agit de combattre ici et maintenant, au moment même où il est en passe d’empirer : la loi dite « contre le séparatisme », en discussion au Parlement à l’écriture de ces lignes, prévoit la possibilité de fermer des écoles en dehors de toute décision de justice.
Or, si parmi les écoles musulmanes se cachaient des projets de société d’extrême droite aussi dangereux que ceux découverts chez les catholiques, alors les poursuivre sans preuve, en dehors de tout cadre légal, serait paradoxalement le meilleur des cadeaux que l’État puisse leur faire, en confirmant lui-même que ses « valeurs républicaines » ne sont que des mots creux.