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Mediapart
« Toujours lesbiennes, jamais RN » : à Paris, une marche des fiertés contre le péril réactionnaire
#Pride #Paris #Budapest #extremedroite
Article mis en ligne le 29 juin 2025

Des milliers de personne ont défilé à Paris pour la marche des fiertés 2025. Un cortège uni contre la présence d’un groupuscule d’extrême droite et préoccupé par un contexte international très défavorable aux droits des personnes LBTQIA+, notamment en Hongrie, où des centaines de milliers de personnes ont également donné de la voix.

Pour sa pride 2025, Valentin défile avec le visage de Valérie Pécresse imprimé sur sa pancarte dans une rue de Rivoli muée en route arc-en-ciel. Un portrait noir et blanc de la présidente de la région Île-de-France, les yeux perforés, sur fond rose bonbon. Côté pile : « Valérie P. n’aime pas les pédés » ; côté face : « Siamo tutti anti-Valérie », en référence au fameux slogan antifasciste.

« Elle a supprimé 50 000 euros de subvention à la marche de fierté. En faisant ça, elle s’inscrit clairement dans la tendance portée par la droite et l’extrême droite, qui s’incarne surtout en Europe par Viktor Orbán », déplore ce militant à La France insoumise (LFI). (...)

une pride peut-être plus engagée que les années précédentes. Une marche également secouée par une vive polémique quand, début juin, quelques détracteurs avaient jugé l’affiche de l’événement trop radicale, avec son slogan « Contre l’internationale réactionnaire / Queers de tous les pays, unissons-nous » et ses six personnages dépeints en train de lutter contre le fascisme et pour la solidarité avec les peuples hongrois et palestinien. (...)

L’entreprise Paypal s’était retirée et la RATP avait supprimé partenariat et campagne d’affichage. « Là, avec la perte des subventions, le retrait de banques, il y a moins de pinkwashing, et c’est peut-être mieux », relativise Thaïs. « On est là pour se rappeler qu’à l’origine, c’est des femmes trans noires qui ont lancé des pavés sur la police. Ce n’est pas une armée de gays blancs de classe aisée du Marais qui viennent pour mettre des paillettes », insiste aussi Valentin, en référence aux émeutes de Stonewall à New York en 1969.

« Nos luttes sont récupérées par le capitalisme ou par le pseudo-centre, qui est allié avec l’extrême droite. Donc, pour moi, c’est important de montrer que l’histoire LGBT est une histoire révolutionnaire », tonne aussi Célian, qui arbore un feu rouge vif sur sa pancarte, ornée d’un message d’inspiration similaire : « La première pride était révolutionnaire. »
Un contexte international d’une rare violence (...)

Au fil du cortège s’enchaînent de nombreux slogans anticapitalistes et antifascistes : « Arrêtez le commerce de nos luttes », « Toujours lesbiennes, jamais RN », « Libérez l’Occident du fascisme ». Des « Free, free Palestine ! » résonnent aussi à l’avant de la foule. (...)

« On est dans un moment où la régression des droits des personnes LGBTQIA+ est devenue évidente. On est face à une internationale réactionnaire qui va des États-Unis jusqu’à Orbán. J’aurais voulu être en Hongrie aujourd’hui », regrette Olivier Faure, président du Parti socialiste (PS), croisé par Mediapart dans la foule.
« Backlash » et sidération

À quelques mètres de lui, Carla défile avec sa femme. À son compteur, des décennies de lutte des deux côtés de l’Atlantique : « Je suis américaine, il se passe des choses aux États-Unis… c’est l’horreur », déplore-t-elle. Le 28 février, l’Iowa est devenu le premier État américain à abroger les règles protégeant les personnes trans dans son code des droits civils. « Il faut se battre, beaucoup. Toujours. La démocratie, c’est très fragile. On se bat, nous, depuis cinquante-cinq ans. Et c’est sans fin. Ce backlash [retour de bâton – ndlr], que ça soit arrivé aussi vite aux États-Unis, je n’en suis pas vraiment étonnée, mais je suis sidérée quand même. » (...)

Contacté par Mediapart, Sébastien Tüller, responsable des questions liées au droits LGBTQIA+ chez Amnesty International, ne dresse pas un constat beaucoup plus optimiste depuis la marche de Budapest, où il défile avec l’ONG : « Malgré quelques victoires arrachées de haute lutte, sur l’ouverture notamment du mariage pour tous en Thaïlande, en Grèce et dans d’autres pays, la régression, les attaques, les discours de haine, les violences augmentent, avec une inaction des États pour tenter d’y apporter une solution. »

Selon lui, la France n’a rien d’un havre de paix pour les personnes queers. Les infractions anti-LGBTQIA+ ont augmenté de 5 % en France en 2024, selon les chiffres du ministère de l’intérieur publiés le 15 mai.

Sébastien Tüller déplore aussi « les attaques sur la marche de fierté de Paris, les attaques à la subvention, les collectifs hostiles aux droits des personnes LGBT qui veulent, avec une certaine complicité, ce n’est pas très clair, des autorités, contre-manifester au sein même de la marche de fierté de Paris, ce qui n’a aucun sens ». (...)

présence du collectif Eros dans la manifestation. Ce groupuscule homonationaliste d’extrême droite emmenée par Yohan Pawer, un ancien candidat du parti Reconquête d’Éric Zemmour, a été conforté dans son droit de défiler par le ministère de l’intérieur, avec la garantie d’une protection policière en cas d’affrontements avec le reste du cortège. (...)

Ils ne sont en réalité qu’une vingtaine à s’être déplacés, encadrés par une cinquantaine de CRS déployés tout autour d’eux place du Châtelet. Autour d’eux, l’affiche de la pride entourée d’un « Et là, c’est toujours pas raciste ? », un T-shirt « Ben voyons » d’hommage à Éric Zemmour, un autre qui réclame « des larmes de gauchistes ».

En les apercevant, une passante s’écrie : « Les fachos hors de nos manifs ! », alors que leur leader Yohan Pawer distille quelques bons mots à des médias presque plus nombreux que la petite grappe de militants d’extrême droite. « On en a marre d’être associés à ces personnes aux cheveux bleus », déplore ainsi le militant, jamais avare d’homophobie. (...)

« Ils créent de nouvelles oppositions en pensant que le droit de manifester ou que la liberté d’expression serait totale, et qu’on pourrait accepter des discours homophobes, transphobes, des discours de haine en plein cœur de la manifestation », grince Sébastien Tüller chez Amnesty.

« Paris, Paris, antifa ! », s’époumonent les manifestant·es de la marche principale, contenu·es derrière une rangée de barrières et une rangée de policiers. (...)

L’Inter-LGBT avait menacé de ne pas lancer sa marche si la présence de ce groupe était confortée. Elle a finalement pu s’élancer sans remous. Le collectif Eros, faute d’avoir su susciter une scène probante d’agit-prop, a déserté à 15 heures, bien loin de l’arrivée du cortège. « Qu’ils s’amusent. En 2027, on passera », a lancé un·e des militante·s avant de s’en aller. « Ce sont des personnes qui prennent leurs droits pour acquis et veulent grignoter ceux des autres en s’immisçant partout. C’était pareil le 8 mars, et c’est terrifiant », tranche Rosy.

Pour Valentin, toujours accroché à sa pancarte Pécresse, la tonalité de la pride n’est pas au niveau des menaces (...)