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Soupçons de maltraitance, accusations de harcèlement : quand un conflit en Ehpad finit au tribunal
#EHPAD
Article mis en ligne le 12 octobre 2024
dernière modification le 8 octobre 2024

Depuis que sa mère a intégré un Ehpad privé du Pas-de-Calais, Sylvie est en conflit ouvert avec l’établissement. Elle est convaincue que sa mère y subit des maltraitances. En face, les équipes soignantes s’estiment malmenées et ont porté plainte.

Atteinte de la maladie de Parkinson, fortement dépendante, et déjà passée par d’autres Ehpad, Pierrette réside depuis quatre ans au Château du Bois, filiale du groupe d’Ehpad privés Colisée. Peu après son arrivée, Sylvie dit avoir noté régulièrement que le dentier de sa mère n’était pas nettoyé, qu’elle souffrait souvent de conjonctivites, que les températures dans la chambre étaient bien trop élevées en cas d’ensoleillement, qu’elle n’était pas assez stimulée par des sorties ou des activités.

Une autre fille de résidente inquiète

En février 2024, Sylvie prend des photos d’escarres sur le corps de sa mère. Elle compile tous les documents, informations, photos relatives à sa mère. Elle envoie des mails, parfois plusieurs fois par jour, à l’équipe de la direction, médicale et paramédicale, aux différents échelons du groupe Colisée, pour s’assurer que ses traitements sont bien pris à heure fixe, demander pourquoi sa mère est laissée de côté lors des activités, pourquoi elle serait privée de douche ou que ses toilettes sont sales… Le personnel estime être victime de harcèlement. Sur ce sujet, la direction de l’Ehpad n’a pas voulu s’exprimer, car une « procédure judiciaire était en cours » (...)

Patricia évoque aussi une infection urinaire qui n’aurait été soignée que trois mois après son apparition, en dépit de ses réclamations d’un examen approfondi des urines, comme en témoignent des mails que nous avons pu consulter. Il y a quelques mois, Patricia a retiré sa mère de l’Ehpad du Château du Bois pour un Ehpad public, où elle est décédée après quelques semaines. (...)

Des inquiétudes se manifestent également de l’intérieur de l’établissement. L’agence régionale de Santé du Nord avait reçu, en novembre 2021, un signalement d’un membre du personnel de l’Ehpad pour plusieurs dysfonctionnements, incluant des « négligences en matière d’hygiène alimentaire, hygiène des locaux, entretien du linge, sécurité du bâti et des personnes ». Le témoin se souvient d’avoir constaté que de nombreux postes n’étaient pas pourvus, entraînant une charge de travail importante.

Manque de personnel

Cette personne, qui a souhaité rester anonyme, parle aussi de portes d’armoires pas réparées qui seraient tombées sur les résidents ou de portions de nourriture insuffisantes. Il lui serait même arrivé d’acheter des petits gâteaux en plus pour les résidents. Son expérience permet d’expliquer le regard très dur que jettent les enfants de résidents sur le travail effectué dans ces murs (...)

Contacté à propos du signalement à l’ARS, le groupe Colisée se veut rassurant. (...)

Annette Debéda, fondatrice en 2021 du collectif « Groupe pour les aidants de proches en Ehpad », apporte un regard extérieur mais concerné – son père est mort isolé pendant la période du Covid – sur ce dossier délicat. Elle a échangé, parfois vivement, avec Sylvie. « Elle est ce qu’elle est, peut-être excessive, mais il n’en reste pas moins que ses demandes sont légitimes. C’est proprement insupportable de voir ses parents sombrer », dit elle.

Sur Internet, l’Ehpad d’Oye-Plage est pourtant bien noté, mis à part quelques commentaires sur le manque de communication avec la direction ou la cherté des tarifs. Le groupe Colisée affiche des objectifs humanistes (...) .

Un Ehpad très lucratif

Dominique Hauw, fondateur de l’Ehpad Château du bois en 2012, raconte l’histoire de ce site, qui était auparavant celui d’une colonie de vacances d’un industriel local. L’investisseur en fait un établissement pour personne âgées dépendantes en 2013, pour sept millions d’euros, et remplit les 78 lits en six mois. « J’ai eu le dernier Ehpad privé de la région. C’est ce qu’on appelle l’or gris », dit-il. À l’ouverture, l’Ehpad emploie 42 salariés à temps complet, dont deux médecins coordinateurs. Dans son compte d’exploitation, la nourriture revient alors à sept euros par jour et par personne.

L’affaire tourne à merveille : « Je faisais 300 000 euros de bénéfices après impôt sur un chiffre d’affaire de deux millions », explique le premier gérant du lieu. En 2022, il revend l’Ehpad au groupe Colisée, qui y double l’activité et les bénéfices (...)

L’Ehpad d’Oye-Plage est prospère pour son actionnaire unique Colisée France. Ces quatre dernières années, Colisée a fait remonter près de deux millions d’euros de l’Ehpad Château du Bois à la maison-mère. Les résidents paient quand à eux une facture globale comprenant le loyer, les soins, la nourriture, les animations, de plus de 3000 euros par mois pour la chambre « Confort ». Pour Annette Debéda, la boussole des établissements devrait toujours être « le bien-être du résident ou de la résidente ».
Sylvie mise en examen

Aux yeux d’Annette Debéda, l’épisode Covid, qui a éloigné de force les proches et les familles, aurait fait comprendre à certaines directions combien la gestion du quotidien est plus facile sans les enfants ou conjoints des résidents, parfois jugés intrusifs pour leurs remarques, demandes ou critiques. « Notre collectif s’appelle “aidants” car ce n’est pas parce que nous avons placé un parent dans un Ehpad que nous l’abandonnons. Nous restons des aidants », défend-elle. (...)