
En France, 160 coopératives d’activité et d’emploi salarient 12 000 personnes. Chez Terracoopa, à Montpellier, agriculteurs, jardiniers et paysagistes expérimentent un rapport au travail moins individualiste.
(...) En France, 160 coopératives d’activité et d’emploi salarient 12 000 personnes. Chez Terracoopa, à Montpellier, agriculteurs, jardiniers et paysagistes expérimentent un rapport au travail moins individualiste. (...)
Terracoopa.
Créée en 2012, cette structure originale fait partie des quelque 160 coopératives d’activité et d’emploi (CAE) existant en France. Ces sociétés permettent aux porteurs et porteuses de projet « de développer [leur] activité tout en ayant une protection sociale — retraite, chômage », selon la fédération des CAE. Un modèle unique en son genre, qui « crée du commun autour du travail, à contre-courant de l’idéologie individualiste dominante », estime Julie.
Comme Fred et Nicolas, elle a été embauchée pour une durée indéterminée, via un contrat pour « entrepreneur salarié associé » (ESA). Chacun et chacune mène son activité de son côté, mais les chiffres d’affaires sont mis en commun. Ils sont ensuite reversés sous forme de salaires, en prenant en compte les cotisations sociales. Environ 10 % de leurs recettes sont réservées à la coopérative, pour financer son fonctionnement. (...)
La particularité de cette CAE spécialisée dans les métiers de l’agriculture et de l’environnement, c’est un espace de test agricole de dix hectares, où l’on peut venir s’essayer au travail paysan. (...)
Après trois ans à tester le maraîchage, Fred est désormais ouvrier agricole et salarié de Terracoopa. Il occupe un hectare du terrain commun, partage tracteur, motoculteur et autres outils avec ses voisins. Il participe aussi aux chantiers collectifs organisés pour entretenir le lieu – notamment la construction de précieuses clôtures contre les sangliers. Une expérience qui ravit l’ancien animateur professionnel : « L’agriculture ne peut pas se vivre seul », estime-t-il.
Collectiviser la charge mentale (...)
De son côté, Nicolas, le paysagiste, apprécie de « se délester de la charge mentale liée aux tâches administratives » : ces dernières sont prises en charge par les comptables de la coopérative. Il a aussi été conquis par l’aspect collectif du projet. Lui d’autres entrepreneurs salariés de son domaine – comme des jardiniers et des élagueurs – organisent des formations, répondent ensemble à des appels d’offres. Ils ont également rédigé une « charte de l’arbre et du paysage », afin de faire reconnaître leurs pratiques écologiques.
De quoi « changer notre rapport au travail », estime Julie. Cette formatrice en intelligence collective a rejoint Terracoopa pour cette dimension politique. (...)
le travail n’est ainsi plus uniquement marchand et productif, il revêt une dimension « communautaire » soudée par l’entraide et de la convivialité, et une dimension démocratique à travers la vie coopérative.
Une goutte d’eau ? (...)
Ces structures restent une goutte d’eau dans l’océan de l’ubérisation. La faute à un déficit de notoriété, selon Caroline Lacoëntre, directrice de la Fédération nationale des CAE (...)
Alors que les créateurs de micro-entreprises peinent souvent à se tirer un revenu décent, il faut également accepter de transformer une partie de son chiffre d’affaires en cotisations sociales et en contribution pour la coopérative. Cerise sur le gâteau de la précarité, les membres d’une CAE ne peuvent pas bénéficier d’un certain nombre d’aides publiques — comme la dotation jeune agriculteur pour les paysans — fléchées vers des entrepreneurs individuels.
Chute des aides publiques (...)
Autre obstacle au déploiement des CAE, leur pérennité économique. Terracoopa fonctionne avec un budget annuel de 300 000 euros — qui permet notamment de payer les salaires de cinq emplois à temps plein ou de louer des bureaux — abondé par les contributions de ses membres et les subventions.
« Ces dernières années, avec l’inflation et la crise de la filière bio, le chiffre d’affaires de certains a baissé, et donc leur participation au pot commun aussi, résume Nicolas. Dans le même temps, les aides publiques ont chuté. » (...)
« les CAE sont difficilement pérennes dans le monde capitaliste et néolibéral. Elles produisent plein de choses qui ne sont pas d’ordre marchand » (...)
Malgré tout, les coopératives tracent leur chemin. (...)
« La coopération est un projet politique, rappelait alors la coopérative Smart dans un article d’Alternatives économiques. Ce projet ne consiste pas à composer avec les plateformes prédatrices afin de leur procurer un alibi à moindres frais : il consiste à les combattre ! »